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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/159

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pièces, pleines d’esprit et de sentiment, qu’elle est fort impatiente de vous voir et de vous entendre lire quelques-uns de vos ouvrages. Tenez-vous prêt à vous rendre chez elle au premier signal ; car, aussitôt qu’elle aura une matinée tranquille, vous serez certainement appelé. »

Il lui désigna là-dessus la petite pièce qu’il devrait lire la première, et qui lui ferait un honneur tout particulier. La comtesse regrettait vivement qu’il fût arrivé dans un temps si troublé, et qu’il fût logé si mal au vieux château avec le reste de la troupe.

Aussitôt Wilhelm revit avec grand soin la pièce par laquelle il devait faire son entrée dans le grand monde.

«  Jusqu’à présent, se disait-il, tu as travaillé pour toi ; tu n’as recueilli que les suffrages de quelques amis ; pendant longtemps tu as désespéré tout à fait de ton talent, et tu dois appréhender encore de n’être pas sur la bonne voie, et de n’avoir pas pour le théâtre autant de disposition que de goût. En présence de connaisseurs si exercés, dans le cabinet, où l’illusion est impossible, l’épreuve est plus dangereuse que partout ailleurs ; et pourtant je voudrais bien ne pas laisser échapper l’occasion ; je voudrais ajouter cette jouissance à mes premiers plaisirs, agrandir le champ de mes espérances. »

Là-dessus, il reprit quelques-unes de ses pièces, les relut avec la plus grande attention, les corrigea ça et là, les lut à haute voix, pour se rendre bien maître de la phrase et de l’expression, et, ce qu’il avait le plus étudié, ce qu’il croyait le plus propre à lui faire honneur, il le mit dans sa poche, lorsqu’un matin la comtesse lui fit dire qu’elle l’attendait.

Le baron lui avait assuré qu’elle serait seule avec une intime amie. À son entrée dans la chambre, la baronne de C. vint, avec beaucoup de prévenance, au-devant de lui, se félicita de faire sa connaissance, et le présenta à la comtesse, qui se faisait coiffer dans ce moment, et qui le reçut avec des paroles et des regards pleins de bienveillance ; mais il eut le chagrin de voir, près de son fauteuil, Philine à genoux, faisant mille folies.

«  La belle enfant, dit la baronne, vient de nous amuser par ses chansons. Achève donc, lui dit-elle, celle que tu avais commencée, car nous n’en voulons rien perdre. »

Wilhelm écouta fort patiemment la chansonnette, désirant