Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/170

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l’autre siècle, il ne parut nullement s’attendre à un spectacle, bien moins encore à un prologue en son honneur. Tout réussit parfaitement, et, après la représentation, la troupe dut paraître et se présenter devant le prince, qui sut adresser à chacun quelques questions de la manière la plus obligeante, et leur dire à tous quelques paroles agréables. Wilhelm, comme auteur, fut surtout mis en évidence, et il eut sa part de félicitations.

Du prologue, personne n’en parla guère, et ce fut, quelques jours après, comme si la représentation n’avait pas eu lieu. Jarno seul en parla à Wilhelm incidemment, et lui donna de judicieux éloges, en ajoutant toutefois :

«  C’est dommage ! vous jouez avec des noix creuses pour des noix creuses. »

Wilhelm rêva plusieurs jours à ces paroles : il ne savait comment les expliquer ni l’usage qu’il en pouvait faire.

La troupe jouait tous les soirs, du mieux qu’elle pouvait, et faisait tous ses efforts pour fixer l’attention des spectateurs. Des applaudissements, qu’ils ne méritaient point, les encouragèrent, et ils croyaient réellement, dans leur vieux château, que tout ce monde affluait en leur honneur, que les étrangers accouraient en foule à leurs représentations, et qu’ils étaient le centre autour duquel et pour lequel tout se mouvait et circulait dans le château.

Wilhelm seul remarquait, avec un vif chagrin, tout le contraire ; car le prince, qui avait assisté aux premières représentations du commencement à la fin, sans quitter son siège, et avec l’assiduité la plus scrupuleuse, sembla peu à peu, sous un prétexte honnête, se dispenser du spectacle ; et c’étaient justement les personnes que Wilhelm avait trouvées, dans la conversation, les plus éclairées, Jarno à leur tête, qui ne passaient dans la salle du théâtre que de courts instants, allaient ensuite s’asseoir dans le salon d’entrée, jouaient ou semblaient parler d’affaires.

Wilhelm sentait un vif déplaisir de ne pouvoir, avec ses efforts persévérants, obtenir les suffrages qu’il ambitionnait le plus. Pour le choix des pièces, la copie des rôles, les fréquentes répétitions et tout ce qui se présentait, il secondait avec zèle Mélina, qui, dans le sentiment secret de sa propre insuffisance, finit par