Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/18

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j’avais eu le temps de voir que l’on entassait dans une boite à tiroirs amis et ennemis, Saül, Goliath et tous les autres. C’était pour ma curiosité, à demi satisfaite, un nouvel aliment. De plus j’avais vu, à ma grande surprise, le lieutenant très-occupé dans le sanctuaire. Dès lors Polichinelle eut beau faire battre ses talons, il ne pouvait plus m’intéresser. Je me perdais dans de profondes réflexions, et je fus, après cette découverte, à la fois plus tranquille et plus agité qu’auparavant. Après avoir appris quelque chose, il me sembla que je ne savais rien du tout, et j’avais raison, car l’ensemble me manquait, et c’est proprement l’essentiel. »


Chapitre V

« Dans les maisons où règnent l’ordre et l’abondance, les enfants ont un instinct assez semblable à celui des rats et des souris : ils remarquent toutes les fentes et les trous par lesquels ils peuvent arriver à quelque friandise défendue ; ils s’en régalent avec une peur furtive et délicieuse, qui compose une grande part du bonheur de l’enfance.

« Je remarquais plus vite que tous mes frères une clef oubliée dans quelque serrure. Plus était grand mon respect religieux pour les portes fermées, devant lesquelles je devais passer des semaines et des mois, et que je lorgnais seulement à la dérobée, s’il arrivait parfois que ma mère ouvrît le sanctuaire, pour en tirer quelque chose : plus j’étais alerte à profiter d’un moment, que la négligence ménagère me procurait quelquefois.

« De toutes les portes, c’était, comme on l’imagine aisément, celle de l’office, sur laquelle mon attention était surtout dirigée. J’ai eu dans ma vie peu de plaisirs comparables à la joie que