comte, qui était resté immobile sur le seuil de la porte, se retira et la ferma doucement. Au même instant, la baronne accourut par la porte dérobée, éteignit la lampe, arracha Wilhelm du fauteuil et l’entraîna dans la garde-robe. Il ôta vite la robe de chambre, qui fut remise aussitôt à sa place ordinaire ; la baronne prit l’habit de Wilhelm sous son bras, et, traversant avec lui quelques chambres, cabinets et corridors, elle le ramena dans son appartement. Là, quand elle se fut remise, elle lui apprit qu’elle avait passé chez la comtesse pour lui porter la fausse nouvelle du retour de son mari. « Je le sais déjà, avait dit la comtesse. Que peut-il être arrivé ? Je viens de le voir entrer à cheval par la petite porte. » Aussitôt la baronne effrayée était accourue dans la chambre du comte, pour en tirer Wilhelm.
« Malheureusement, vous êtes venue trop tard, s’écria-t-il ; le comte vous a précédée et m’a vu dans le fauteuil.
— Vous a-t-il reconnu ?
— Je ne sais. Il m’a vu dans la glace comme je l’y ai vu, et, avant que j’aie pu savoir si c’était un fantôme ou lui-même, il s’est retiré et a refermé la porte. »
Le trouble de la baronne augmenta, lorsqu’un valet de chambre vint l’appeler, et l’informa que le comte était chez la comtesse. Elle s’y rendit, le cœur oppressé, et elle le trouva pensif et rêveur, il est vrai, mais plus doux dans son langage et plus amical que de coutume. Elle ne savait que se dire. On parla des incidents de la chasse et des causes qui avaient hâté le retour du comte. Bientôt la conversation tarit ; il devint silencieux, et la baronne dut être singulièrement surprise, lorsqu’il demanda des nouvelles de Wilhelm, exprimant le désir qu’on le fit appeler pour faire une lecture.
Wilhelm, qui avait repris ses habits, et s’était un peu remis dans la chambre de la baronne, se rendit à cet ordre, non sans inquiétude. Le comte lui remit un livre, dans lequel il lut, avec saisissement, une nouvelle romanesque. Sa voix était tremblante et mal assurée, ce qui heureusement s’accordait avec le fond de l’histoire. Le comte donna quelques signes d’approbation bienveillante, et, lorsqu’enfin il congédia notre ami, ce ne fut pas sans louer l’expression qu’il avait mise à sa lecture.