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DE WILHELM MEISTER. 211

bordée de verdure, offrait le plus agréable rafraîchissement, et, de l’autre côté, à travers des ravins et des hauteurs boisées, une lointaine et belle perspective semblait convier l’espérance. On voyait des villages et des moulins dans les vallées, des villes dans la plaine, et d’autres montagnes, qui paraissaient au loin, augmentaient le mystérieux attrait de la perspective, parce qu’elles se présentaient seulement comme une vague limite.

Les premiers venus prirent possession de l’endroit, se reposèrent à l’ombre, allumèrent du feu, et, occupés et chantant, ils attendirent le reste de la troupe. À mesure que les voyageurs arrivaient, ils saluaient, tout d’une voix, ce lieu, ce beau jour et cette admirable contrée.


CHAPITRE V.

Si l’on avait souvent passé ensemble des heures agréables entre quatre murailles, il est naturel de penser que l’on fut encore bien plus animé dans cet asile, où la libre étendue du ciel et la beauté de la campagne semblaient épurer tous les cœurs. Ils se sentaient tous plus unis ; chacun aurait voulu couler sa vie dans une si agréable retraite. On portait envie aux chasseurs, aux charbonniers, aux bûcherons, que leur état fixe dans ces demeures fortunées ; mais on vantait surtout la séduisante existence d’une bande de bohémiens. On enviait ces drôles bizarres, autorisés à goûter, dans un délicieux loisir, tous les charmes pittoresques de la nature ; on se félicitait d’avoir avec eux quelque ressemblance.

Sur l’entrefaite, les femmes avaient fait cuire des pommes de terre, déballé et préparé les provisions qu’on avait apportées ; quelques marmites étaient rangées autour du feu ; la société se groupait sous les arbres et les buissons. Ses costumes bizarres