Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/218

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sauver leurs effets. Elle répondit en haussant les épaules, et en jetant un regard sur la pelouse, où les caisses brisées, les coffres rompus, les portemanteaux coupés en morceaux et une foule de petits effets étaient dispersés ça et là. On ne voyait personne sur la place, et ce groupe étrange se trouvait seul dans ce lieu désert.

Wilhelm en apprenait toujours plus qu’il n’en aurait voulu savoir. Les autres hommes, qui auraient pu tout au moins opposer encore de la résistance, avaient d’abord pris peur et avaient bientôt cédé. Les uns s’étaient enfuis, les autres avaient assisté avec horreur au désastre. Les voituriers, qui avaient défendu opiniâtrement leurs chevaux, s’étaient vus terrassés et garrottés, et, en un moment, les brigands avaient tout pillé et emporté. Les malheureux voyageurs, aussitôt qu’ils eurent cessé de craindre pour leur vie, s’étaient mis il déplorer leur perte, et avaient couru en diligence au premier village, emmenant avec eux Laërtes, légèrement blessé, et sans avoir sauvé que de rares débris de leur bagage. Le joueur de harpe avait appuyé contre un arbre son instrument brisé, et s’était hâté de courir avec eux au village, pour chercher un chirurgien et procurer tous les secours possibles à son bienfaiteur, laissé pour mort sur la place.


CHAPITRE VI.

Nos trois malheureux voyageurs restèrent quelque temps encore dans leur situation extraordinaire ; personne ne venait a leur secours le soir approchait la nuit allait répandre ses ombres déjà le calme de Philine faisait place à l’inquiétude ; Mignon courait ça et là, et son impatience croissait à chaque moment. Enfin, lorsque leur vœu s’accomplit, et que des gens s’approchèrent, elles furent saisies d’une nouvelle frayeur. Elles