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262 LES ANNEES D’APPRENTISSAGE

ment, il savait faire accueillir, à l’aide d’une histoire ou d’une facétie, la plus piquante et la plus agréable explication, et instruire la société en même temps qu’il l’amusait.

CHAPITRE XIX.

Tandis que Wilhelm passait de la sorte des heures agréables. Mélina et les autres étaient dans la plus triste position. Ils apparaissaient quelquefois il notre ami comme de mauvais esprits, et lui faisaient passer de fâcheux moments, non-seulement par leur présence, mais souvent aussi par leurs regards farouches et leurs propos amers. Serlo ne les avait pas admis a jouer, même en qualité d’artistes voyageurs, bien loin de leur faire espérer un engagement, et néanmoins il avait appris a connaître peu a peu les talents de chacun. Aussi souvent que les acteurs se réunissaient chez lui familièrement, il avait coutume de les faire lire, et même quelquefois de lire avec eux. Il prenait les pièces qui devaient être jouées plus tard, celles qui ne l’avaient pas été depuis longtemps, et, d’ordinaire, il les prenait par fragments il faisait aussi répéter, après la première représentation, les passages sur lesquels il avait quelque observation à faire par là, il éclairait les comédiens, il les rendait plus sûrs de toucher le véritable point. Et, comme un esprit médiocre, mais juste, peut faire plus de plaisir aux spectateurs qu’un génie embrouillé et sans culture, il élevait, par les vues claires qu’il leur communiquait insensiblement, les talents ordinaires a une remarquable supériorité. Ce qui ne laissait pas de contribuer au succès, c’est qu’il leur faisait lire aussi des poésies, et entretenait chez eux le sentiment du charme qu’un rhythme bien rendu éveille dans notre âme, tandis que, sur d’autres théâtres, on