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DE WILHEL~I MEISTER. 263

commençait dès lors à ne plus débiter qu’une prose pour laquelle suffisaient les plus faibles interprètes.

Dans ces réunions, Serlo avait aussi appris à connaître les nouveaux venus ; il avait jugé ce qu’ils étaient et ce qu’ils pouvaient devenir, et il avait secrètement résolu d’en tirer parti dans la révolution qu’il craignait de voir éclater parmi ses comédiens. Il laissa quelque temps l’affaire en suspens ; il éludait toutes les intercessions de Wilhelm en haussant les épaules ; enfin il saisit son moment, pour faire tout à coup à son jeune ami la proposition de monter lui-même sur le théâtre à cette condition, il engagerait aussi les autres.

« Ces gens ne sont donc pas aussi ineptes que vous me les avez représentés jusqu’à ce jour, repartit Wilhelm, si vous pouvez aujourd’hui les recevoir tous en masse et je pense que, sans moi, leurs talents seraient toujours les mêmes. » Là-dessus Serlo lui fit, sous le sceau du secret, confidence de sa position son premier amoureux faisait mine de lui demander une augmentation d’appointements en renouvelant leur traité ; il n’avait pas l’intention de céder, d’autant que cet acteur n’était plus fort goûté du public. S’il le laissait aller, tout son parti le suivrait ; ce qui ferait perdre a sa troupe quelques bons sujets, mais aussi quelques médiocres. Puis il fit connaître à Wilheim ce qu’il espérait de lui, de Laërtes, du vieux bourru et même de Mme Mélina. Il promettait d’employer jusqu’aupauvre pédant et de le faire briller dans les rôles de juifs, de ministres et, en général, de scélérats.

Wiiheim fut surpris ; il n’entendit pas ces ouvertures sans émotion, et, pour dire quelque chose, il reprit avec un profond soupir

« Vous vous bornez à parler, d’une manière très-obligeante, du bien que vous trouvez en nous et que vous en espérez ; mais que pensez-vous des côtés faibles, qui sans doute n’ont pas échappé à votre pénétration ? ` ?

Avec l’étude, l’exercice et la méditation, nous en ferons bientôt des côtés forts, répliqua Serlo. Il n’en est aucun parmi vous, bien que vous ne soyez encore que des apprentis, des enfants de la nature, qui ne donne plus ou moins d’espérances ; car, autant que j’ai pu juger tous ces gens-là, il n’en est aucun