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DE WILHHLM MEISTER. 299

ressait, la partie intellectuelle les encnaniait, et leur goût était si vif, qu’une répétition morcelée sufGsait pour les jeter dans une sorte d’illusion. Les défauts ne leur apparaissaient jamais que dans l’éloignement ; le mérite les touchait comme un objet voisin. Bref, c’étaient des amateurs comme l’artiste désire d’en rencontrer dans ses travaux. Leur promenade favorite était des coulisses au parterre et du parterre aux coulisses ; leur plus agréable séjour était la loge des acteurs ; leur occupation la plus assidue, de corriger quelque chose à la tenue, à l’habillement, au débit et à la déclamation des comédiens ; leur plus vif entretien roulait sur l’effet qu’on avait produit, et leurs efforts continuels avaient pour objet de rendre le comédien attentif, exact et soigneux de lui faire quelque cadeau ou quelque plaisir, et, sans prodigalité, de procurer a la troupe quelque jouissance. Ils avaient acquis le droit exclusif d’assister, sur le théâtre, aux répétitions et aux représentations. En ce qui touche celle dWam~, ils ne furent pas d’accord avec Wilhelm sur tous les points ; il céda sur quelques-uns, mais, le plus souvent, il maintint son opinion en somme, leur conversation développa son goût sensiblement ; il témoignait aux deux amis la plus haute estime, et, de leur côté, nos amateurs ne prédisaient pas moins, comme résultat de leurs efforts communs, qu’une époque nouvelle pour le théâtre allemand.

La présence de ces deux hommes aux répétitions fut trèsutile. Ils parvinrent surtout convaincre nos comédiens qu’ils devaient, dans ces exercices, unir sans cesse avec le discours la tenue et le geste, tels qu’ils se proposaient de les observer dans la représentation, et d’associer le tout ensemble par une habitude machinale. Il ne fallait, surtout dans la répétition d’une tragédie, se permettre aucun mouvement des mains qui fût vulgaire un acteur tragique, qui prenait une prise de tabac pendant la répétition, leur donnait toujours de l’inquiétude ; car, trèsvraisemblablement, dans la représentation, il sentirait, au même endroit, le besoin de la prise. Ils soutenaient même que nul ne devait répéter en bottes le rôle qu’il aurait a jouer en souliers. Mais rien, disaient-ils, ne les affligeait plus que de voir, aux répétitions, les femmes cacher leurs mains dans les plis de leurs robes.