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418 LES AKNKES D’APPRENTISSAGE

CHAPITRE IV.

Le médecin arriva. C’était le bon vieux petit docteur que nous connaissons, et auquel nous devons la communication de l’intéressant manuscrit. Il se hâta de visiter le blessé, et ne parut nullement satisfait de son état. Il eut ensuite avec Jarno une longue conversation mais ils ne laissèrent rien paraître le soir à souper. Wilhelm le salua très-affectueusement, et lui demanda des nouvelles de son joueur de harpe.

Nous avons touj ours l’espérance de guérir ce malheureux, répondit le médecin.

Cet homme était un triste supplément à votre bizarre et pauvre ménage, dit Jarno. Qu’est-il devenu, dites-moi ? » Après que Wilhelm eut satisfait le désir de Jarno, le docteur poursuivit en ces termes

"Je n’ai jamais vu une disposition d’esprit plus étrange. Depuis nombre d’années, il n’a pas pris le moindre intérêt à rien d’extérieur ; à peine a-t-il rien remarqué incessamment replié sur lui-même, il n’observait que son moi, vide et creux, qui lui paraissait comme un abîme sans fond. Combien il nous attendrissait, quand il parlait de ce fâcheux état ! « Je ne vois rien devant moi, rien derrière moi, disait-il, qu’une vaste nuit, au milieu de laquelle je me trouve dans la plus affreuse solitude ; il ne « me reste aucun sentiment que celui de mon crime, qui même ne se montre que de loin derrière moi, comme un horrible fantôme. Mais je ne sens ni hauteur, ni profondeur, rien en K avant, rien en arrière ; aucune parole ne peut rendre cet état, « toujours le même. Quelquefois je m’écrie avec ardeur, dans « l’angoisse de cette indifférence A’~nu e~’n ! Et ce mot « étrange, incompréhensible, est clair et lumineux, auprès des