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422 LES AKNËES D’APPRENTISSAGE

La voiture était devant la porte Lydie hésita un moment. « Saluez encore votre maître ! dit-elle au vieux serviteur. Je serai de retour avant le soir. »

Les larmes aux yeux, elle se retourna plusieurs fois, au moment où la voiture partait, puis, revenant à Wilhelm, et, faisant un effort sur elle-même, elle lui dit

Vous trouverez Mlle Thérèse une personne bien intéressante. Je suis surprise qu’elle vienne dans les environs, car vous saurez que Thérèse et le baron s’aimaient passionnément. Malgré la distance, Lothaire venait souvent chez elle ; je m’y trouvais alors ils semblaient ne devoir vivre que l’un pour l’autre. Tout à coup leur liaison se rompit, sans que personne en pût deviner la cause. Il avait appris à me connaître, et j’avouerai que j’enviais sincèrement Thérèse, que je cachais à peine mon inclination pour lui, et ne le rebutai point, quand tout à coup il parut me préférer à mon amie. Elle se conduisit avec moi aussi bien que j’aurais pu le désirer, quoiqu’il pût sembler que je lui avais dérobé un digne amant. Mais aussi, que de douleurs et de larmes cet amour ne m’a-t-il pas déjà coûtées’ Nous commençâmes par ne nous voir que rarement, en lieu tiers, à la dérobée, mais cette vie me fut bientôt insupportable je n’étais heureuse qu’en sa présence~ loin de lui, je ne cessais de pleurer, je n’avais aucun repos. Une fois il se iit attendre plusieurs jours j’étais au désespoir ; je montai en voiture et vins le surprendre dans son château. Il me reçut avec amitié, et, si cette malheureuse affaire n’était pas venue à la traverse, j’aurais coulé des jours délicieux. Et ce que j’ai enduré depuis qu’il est en danger, depuis qu’il souffre, je ne puis le dire, et, même en ce moment, je me fais de vifs reproches d’avoir pu m’éloigner de lui un seul jour. »

Wilhelm allait demander à Lydie quelques détails sur Thérèse, lorsqu’ils arrivèrent chez le bailli, qui s’approcha de la voiture, et témoigna ses vifs regrets de ce que Mlle Thérèse était déjà repartie. Il invita les voyageurs à déjeuner, mais il ajouta aussitôt que l’on pourrait atteindre la voiture dans le prochain village. On résolut de la suivre, et le cocher ne perdit pas un moment. On avait déjà traversé quelques villages sans trouver personne Lydie voulait que l’on retournât ; le cocher