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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/435

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DE WILHELM MEISTER. 431

« choses avec patience, car c’est seulement pour l’amour de toi « que je les souffre. »

« Je n’étais pas tranquille, je n’avais pas de patience. Je blâmais mon père en secret, ne croyant pas que, pour un motif quelconque, il dût rien souffrir de pareil. Je persistais à demander le maintien de l’ordre, et j’avais résolu de pousser les choses à l’extrémité.

a Ma mère était riche, mais sa dépense était excessive, et cela donna lieu, comme je pus m’en apercevoir, à maintes explications entre mes parents. Il ne fut longtemps porté aucun remède à la chose ; mais enfin les passions de ma mère amenèrent une sorte de solution.

« Son premier amoureux l’ayant quittée avec éclat, sa maison, son pays, sa société, lui furent à charge. Elle s’établit dans un autre domaine, mais elle s’y trouva trop isolée ; elle se rendit à la ville elle n’y faisait pas une assez belle figure. Je ne sais tout ce qui se passa entre elle et mon père ; quoi qu’il en soit, il consentit, sous des conditions qui me sont restées inconnues, à ce qu’elle fit un vovage dans Je midi de la France.

« Nous étions libres et nous vécûmes comme dans un paradis. Je crois même que mon père n’y perdit rien, et cependant il se délivra d’elle au prix d’une somme considérable.Tous les domestiques inutiles furent congédiés, et d’heureux succès semblèrent favoriser nos réformes ; nous passâmes quelques bonnes années tout allait augré de nos souhaits ; mais, hélas ! ce bonheur ne fut pas de longue durée. Mon père fut soudainement frappé d’une attaque d’apoplexie, qui lui paralysa le côté droit et gêna l’usage de la parole. Il fallait deviner tout ce qu’il désirait, parce qu’il ne prononçait pas le mot qu’il avait dans l’esprit. J’eus alors bien des moments pénibles, dans lesquels il faisait entendre expressément qu’il voulait être seul avec moi. Il faisait des gestes violents pour écarter tout le monde, et, quand nous étions seuls, il ne pouvait articuler ce qu’il avait à dire. Son impatience devenait extrême, et son état m’affligeait jusqu’au fond du cœur. Évidemment il avait à me révéler un secret qui m’intéressait particulièrement. Quel n’était pas mon désir de le connaître’ Auparavant, je pouvais tout lire dans ses yeux ; mais