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432 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

a présent, c’était chose impossible ses yeux même ne parlaient plus. Je comprenais seulement qu’il ne voulait rien, ne demandait rien ; tous ses efforts tendaient à me révéler quelque chose que, par malheur, je ne pus apprendre. Il eut une seconde attaque il devint bientôt absolument infirme, et, peu de temps après, il mourut,

« Je ne sais pourquoi je m’étais persuadé qu’il avait caché quelque part un trésor, qu’il aimait mieux me laisser qu’a ma mère ; je fis des recherches de son vivant, mais je ne trouvai rien après sa mort, tout fut mis sous scellé. J’écrivis à ma mère, et je lui offris de rester dans la maison comme intendante. Elle refusa et je dus quitter la place. On produisit un testament mutuel, par lequel elle était mise en possession et en jouissance de tout, et moi, je demeurais sous sa dépendance tout le temps de sa vie. C’est alors que je crus comprendre les signes de mon père ; je le plaignis d’avoir été assez faible pour être injuste envers moi, même après sa mort. Au dire de quelques-uns de mes amis, cela ne valait guère mieux que s’il m’avait déshéritée, et ils me pressaient d’attaquer le testament, à quoi je ne pus me résoudre. Je me confiai dans la fortune, je me confiai en moi-même.

« J’avais toujours vécu en grande amitié avec une dame du voisinage, qui possédait des biens considérables. Elle m’accueillit avec plaisir, et je fus bientôt à la tête de sa maison. Elle avait une existence très-régulière, elle aimait l’ordre en toutes choses, et je la secondais fidèlement dans ses luttes avec son intendant et ses valets. Je ne suis ni avare, ni malveillante ; mais, nous autres femmes, nous tenons beaucoup plus sévèrement que les hommes eux-mêmes à ce que rien ne soit gaspillé. Toute infidélité nous est insupportable ; nous voulons que chacun jouisse de ce qui lui revient et s’en tienne là.

« Je me retrouvais dans mon élément ; je pleurais dans la retraite la mort de mon père ma protectrice était contente de moi ; mais une petite circonstance troubla mon repos. Lydie était revenue ma mère fut assez cruelle pour repousser cette pauvre fille, après l’avoir entièrement perdue. Elle avait appris chez ma mère à prendre ses passions pour règle elle était accoutumée à ne se modérer en rien. Quand elle reparut à l’im