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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/449

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DE WILHELM MEISTER. 445

vers les villages, un chemin que j’avais souvent fréquenté dans mes jeunes années. Mes souffrances m’ont sans doute plus affaibli que je ne croyais je me sentais attendri, et mes forces renaissantes me rendaient comme une nouvelle vie. Tous les objets m’apparaissaient dans la même lumière où je les avais vus durant ma jeunesse, tous aussi aimables, aussi charmants, aussi gracieux, et comme ils ne m’ont pas apparu depuis longtemps. Je sentais bien que c’était de la faiblesse, mais je m’y abandonnais avec plaisir ; je chevauchais doucement, et je comprenais fort bien que l’on pût aimer une maladie qui nous dispose aux douces émotions. Vous savez peut-être ce qui m’attirait autrefois si souvent dans ce chemin ?

Si mes souvenirs sont fidèles, répondit Jarno, c’était une petite amourette, que vous aviez alors avec la fille d’un fermier.

Dites une grande passion ! reprit Lothaire, car nous étions fort épris l’un de l’autre, fort sérieusement, et cela dura même assez longtemps. Aujourd’hui tout s’est rencontré par hasard pour me représenter vivement les premiers temps de nos amours. Les petits garçons poursuivaient les papillons dans les prairies, et le feuillage des chênes n’était pas plus avanc’é que le jour où je la vis pour la première fois. Il y avait longtemps que je n’avais vu Marguerite, car elle s’est mariée fort loin d’ici ; mais j’appris par hasard qu’elle est, depuis quelques semaines, en séjour chez son père avec ses enfants.

Ainsi donc, cette promenade n’était pas tout à fait accidentelle ? ` ?

Je ne cacherai pas, dit Lothaire, que je désirais la rencontrer. Quand je fus à quelque distance de la maison, je vis le père assis devant la porte auprès de lui était un enfant de douze à quinze mois. Comme j’approchais, une femme regarda vivement par la fenêtre, et, dans le moment où je m’avançais vers la porte, j’entendis quelqu’un descendre précipitamment l’escalier. Je ne doutai point que ce ne fût elle-même ; je me flattai, je l’avoue, qu’elle m’avait reconnu, et qu’elle accourait au-devant de moi. Mais quelle ne fut pas ma confusion, lorsqu’elle s’élança de la porte, prit dans ses bras l’enfant, dont les chevaux s’étaient approchés, et l’emporta dans la maison ! Je sentis une impres