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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/455

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DE WILHELM MEISTER. 451

Elle baissa les yeux à ma vue, mais aucune rougeur n’annonça une secrète émotion. Je lui tendis la main, elle me donna la sienne. Je lui demandai des nouvelles de son mari il était absent ; de ses enfants elle s’avança vers la porte et les appela. Ils vinrent tous et se groupèrent autour d’elle. Il n’est rien de plus charmant qu’une mère portant un enfant sur son bras rien de plus vénérable qu’une mère entourée de nombreux enfants. Je demandai les noms de la petite famille, pour dire quelque chose. Elle me pria d’entrer et d’attendre son père. J’acceptai ; elle me conduisit dans la chambre, où je retrouvai presque tout à l’ancienne place, et, chose singulière’ la belle cousine, sa vivante image, était assise sur l’escabelle, derrière la quenouille, dans la même attitude où j’avais trouvé si souvent ma bien-aimée. Une petite fille, qui ressemblait parfaitement à sa mère, nous avait suivis, et je me trouvais ainsi dans la plus singulière société, entre le passé et l’avenir, comme en un bosquet d’orangers, où l’on voit, dans un étroit espace, des fleurs et des fruits à divers degrés, près les uns des autres. La cousine sortit, pour aller chercher quelques rafraîchissements. Je présentai la main à cette femme, autrefois tant aimée, et je lui dis

« C’est une grande joie pour moi de vous revoir.

Vous êtes bien bon de me le dire, répondit-elle ; mais je puis vous assurer que je sens aussi une joie inexprimable. Bien souvent j’ai souhaité de vous revoir encore une fois dnns ma vie ; je l’ai souhaité, en des moments que je croyais les derniers. »

Elle me disait ces mots d’une voix calme, sans trouble, avec ce naturel qui me charmait autrefois en elle. La cousine revint, le père la suivit. et je vous laisse à penser avec quels sentiments je restai, avec quels sentiments je partis.