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DE WILIIELM MEISTER. 461

t sa constance. Je dois tout lui découvrir, lui révéler toute ma situation, et qu’il juge s’il veut me garder ou me rebuter. « Voilà l’entrevue que je lui prépare ainsi qu’à moi-même. Si « son cœur était capable de me repousser, je n’appartiendrais « plus qu’a moi seule ; je trouverais ma consolation dans mon châtiment, et je souffrirais tous les maux que le sort voudrait « m’infliger.

Voilà, monsieur, les espérances, les sentiments avec lesquels cette aimable fille vous attendait. Vous ne vîntes pas. Oh ! comment décrire son espoir, son attente ? Pauvre Marianne, je te vois encore devant moi avec quel amour, avec quelle ardeur, tu parlais de l’homme dont tu n’avais pas encore éprouvé la cruauté !

Ma bonne, ma chère Barbara, s’écria Wilhelm, en se levant tout à coup, et prenant la vieille par la main, assez de dissimulation, assez de préparatifs ! Ton accent paisible, tranquille et joyeux t’a trahie. Rends-moi Marianne ! Elle vit, elle est près de nous ! Ce n’est pas en vain que tu as choisi pour ta visite cette heure tardive et solitaire ; ce n’est pas en vain que tu m’as préparé par ce récit ravissant. Où est-elle ? Où la tiens-tu cachée ? Je croirai tout, je promets de tout croire, si tu me la montres, si tu la ramènes dans mes bras. J’ai déjà vu passer son ombre fais que je la presse contre mon cœur. Je veux tomber à ses genoux ; je veux lui demander pardon ; je veux la féliciter de.son combat, de sa victoire sur elle et sur toi je veux lui présenter mon Félix. Viens ! où l’as-tu cachée ? Ne la laisse pas, ne me laisse pas plus longtemps dans l’incertitude ! Tu as atteint ton but. Où l’as-tu retirée ? Viens, que je t’éclaire avec ce flambeau, que je revoie son douxvisage ! »

Wilhelm avait arraché la vieille femme de sa chaise ; elle le regarda fixement, elle fondit en larmes, et une affreuse douleur la saisit.

Quelle erreur déplorable, s’écria-t-elle, vous laisse encore un moment d’espérance Oui, je l’ai cachée, mais sous la terre ; ni la lumière du soleil ni une lampe discrète n’éclaireront jamais son doux visage ! Conduisez le bon Félix auprès de sa tombe, et dites-lui « Ll repose ta mère, que ton père a con« damnée sans l’entendre Son cœur aimant ne bat plus d’im