464 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE
suivre son père mort, et qu’enfin tons deux avaient fait le tour du jardin et s’étaient envolés comme des ombres.
Laërtes l’arracha à ses pensées et l’entraîna au café. Aussitôt plusieurs personnes y firent cercle autour de lui. C’étaient des amis de son talent dramatique. Ils étaient joyeux de le revoir, mais ils avaient appris avec regret sa résolution de quitter le théâtre. Ils parlèrent avec tant de justesse et d’intetligence de son jeu, de son talent, de leurs espérances, que Wilhelm leur dit enfin, non sans émotion
Oh ! que ces encouragements m’auraient été précieux il y a quelques mois ! Comme ils m’auraient éclairé et réjoui ! Jamais mon cœur ne se fût aussi complétement détaché du théâtre ; je n’aurais jamais été jusqu’à désespérer du public.
-Il ne faudrait jamais en venir jusque-là, dit un homme d’âge mûr le public est nombreux ; le bon sens, le bon goût ne sont pas aussi rares qu’on le croit seulement l’artiste ne doit jamais exiger une approbation illimitée pour son œuvre, car cette approbation est la plus insignifiante, et nos messieurs n’en veulent pas de limitée. Je sais bien que, dans la vie comme dans les arts, on doit se consulter soi-même avant d’agir, avant de produire quelque chose ; mais, quand l’action, quand l’œuvre est accomplie, il ne reste plus qu’à écouter avec attention beaucoup de monde, et, avec quelque expérience, on peut bientôt se composer de toutes ces voix un jugement complet car ceux qui pourraient nous en épargner la peine gardent le plus souvent le silence.
Voila justement, dit Witheim, ce qu’ils ne devraient pas faire. J’ai souvent observé que des hommes qui ne disent mol des bons ouvrages, blâment et déplorent ce silence chez les autres.
Eh bien, nous parlerons aujourd’hui ! dit vivement un jeune homme. Dînez avec nous, et nous vous rendrons la justice que nous avons négligé de vous rendre et quelquefois aussi à la bonne Aurélie. JO
Wilhelm s’excusa, et se rendit chez Mme Méhna, pour l’entretenir au sujet des enfants, qu’il voulait retirer de chez elle. Il ne garda pas trop bien le secret de Barbara ; il se trahit, en revoyant le beau Félix.