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472 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

Nous avons, semble-t-il, affaire à un homme habile. Maintenant nous en sommes aux calculs et aux projets. Il faut examiner aussi, au point de vue de l’exploitation rurale, comment nous pourrons partager ces terres, de manière que chacun possède un beau domaine. »

Les papiers furent communiques à Wi’heim ; on visita les champs, les prairies, les bâtiments, et, quoique Jarno et l’abbé parussent entendre fort bien la chose, il regretta pourtant que Mlle Thérèse ne fût pas de la partie.

Ils passèrent plusieurs jours dans ces travaux, et Wilheim eut peine le temps de raconter ses aventures et sa douteuse paternité à ses amis, qui traitèrent avec indifférence et légèreté une affaire si importante pour lui.

Il avait observé que, dans leurs entretiens familiers, à table ou à la promenade, ils s’arrêtaient quelquefois tout a coup, donnaient à la conversation un autre tour, et, par là, faisaient voir tout au moins qu’ils avaient à régler ensemble quelques affaires qu’on lui dérobait. Il se rappela les paroles de Lydie, et il les croyait d’autant plus fondées, qu’on lui avait fermé constamment tout un côté du château. Il avait cherché vainement l’accès et l’entrée de certaines galeries, et particulièrement de la vieille tour, qu’il connaissait fort bien à l’extérieur. Jarno lui dit un jour

Nous pouvons si bien vous regarder maintenant comme l’un des nôtres, qu’il serait injuste de ne pas vous introduire plus avant dans nos secrets. Il est bon que l’homme, à son entrée dans le monde, compte beaucoup sur lui-même ; qu’il se flatte d’acquérir beaucoup d’avantages ; qu’il cherche à surmonter tous les obstacles ; mais, quand il s’est développé jusqu’à un certain point, il est bon qu’il apprenne à vivre pour les autres et à s’oublier lui-même, dans une activité réglée par le devoir. C’est alors seulement qu’il apprend il se connaître ; car c’est proprement la pratique qui nous met en parallèle avec les autres. Vous apprendrez bientôt quel petit monde se trouve dans votre voisinage, et comme vous y êtes bien connu. Soyez debout et prêt à me suivre demain matin, avant le lever du soleil. » Jarno vint à l’heure fixée, et conduisit Wilhelm par des chambres connues et inconnues, puis par quelques galeries, et