Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/520

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

516 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

fâchée il vaut mieux que je n’en dise pas davantage et le mieux encore sera que je me rende auprès de toi, aussitôt que j’aurai casé la pauvre Lydie que l’on traite cruellement. Je crains que nous ne soyons tous trompés, et que nous ne le soyons enfin de manière à ne pouvoir jamais nous reconnaître. Si notre ami pensait comme moi, il s’échapperait et viendrait dans les bras de sa Thérèse, que personne ne pourrait plus lui arracher mais je le perdrai, j’en ai peur, et je ne retrouverai pas Lothaire. C’est pour lui arracher Lydie qu’on fait briller de loin a ses yeux l’espérance de me posséder. Je ne dirai rien de plus. Le trouble va grandir encore. Le temps nous apprendra si dans l’intervalle les plus doux engagements ne seront pas tellement difïérés, ébranlés bouleversés, qu’il n’y ait plus de remède, quand tout sera éclairci. Si mon ami ne s’arrache pas a cette contrainte, j’irai dans peu de jours le chercher près de toi et m’assurer de lui. Tu es surprise de voir comme cette passion s’est emparée de ta Thérèse ce n’est point passion, c’est conviction que, puisqu’il m’a fallu renoncer à Lothaire, ce nouvel ami fera le bonheur de ma vie. Dis-lui ces choses au nom du petit chasseur qui était assis avec lui sous le chêne, et que sa sympathie rendait heureux. Dis-lui ces choses au nom de Thérèse, qui a répondu avec une cordiale franchise à sa proposition. La vie que j’avais rêvée avec Lothaire est bannie loin de ma pensée celle que je rêve auprès de mon nouvel ami m’est encore toute présente suis-je si peu estimée, que l’on croie qu’il m’est bien facile d’échanger derechef, en un clin d’œil, mon nouveau fiancé contre le premier ? »

« Je me fie à vous dit Nathalie à Wilheim, en lui communiquant la lettre de Thérèse vous ne fuirez pas. Songez que le bonheur de ma vie est dans vos mains. Mon existence est tellement unie et enchaînée à celle de mon frère, qu’il ne peut sentir aucune douleur que je ne sente avec lui, aucune joie que sa sœur ne partage. Lui seul, je puis le dire, m’a fait sentir que le cœur peut être ému, élevé ; qu’il peut exister dans la vie de la joie, de l’amour, et un sentiment qui satisfait tous les besoins de l’âme.

Nathalie s’arrêta et Wilhelm, lui prenant la main

OIi poursuivez lui dit-il, le moment est venu de nous té