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556 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

CHAPITRE IX.

Le marquis évitait de parler de sa nièce, mais il eut avec l’abbé de longs et secrets entretiens. Quand la société était réunie, il demandait souvent de la musique ; on s’empressait d’y pourvoir, parce que chacun se dispensait volontiers de la conversation. On passa de la sorte quelque temps, puis l’on s’aperçut que le marquis faisait ses préparatifs de départ. Un jour, il dit à Wilhelm

Je ne demande pas à troubler les restes de ma chère nièce. Qu’ils demeurent dans les lieux où elle aima, où elle souffrit. Mais il faut que ses amis me promettent de me visiter dans sa patrie, dans le lieu où la pauvre enfant naquit et fut é)evée il faut que vous voyiez les colonnes et les statues dont elle avait conservé un vague souvenir. Je vous mènerai sur les rives où elle aimait à ramasser de petits cailloux. Vous ne pouvez, mon jeune ami, vous dérober à la reconnaissance d’une famille qui vous est si redevable. Je partirai demain. J’ai raconté à l’abbé toute l’histoire il vous la répétera. Il a bien voulu m’excuser, quand la douleur m’interrompait. Un étranger fera ce récit avec plus de suite. S’il vous plaît de m’accompagner dans mon voyage en Allemagne, comme l’abbé vous l’a proposé, j’en serai charmé. Ne laissez pas votre Félix. Chaque fois qu’il nous causera quelque petite gêne, nous nous souviendrons de vos soins pour ma pauvre nièce. ])

Le même soir, on fut surpris par l’arrivée de la comtesse. Wilhelm fut saisi d’une violente émotion lorsqu’elle parut ; ellemême, quoique préparée, fut obligée de s’appuyer sur sa sœur, qui se hâta de la faire asseoir. Quelle simplicité extraordinaire dans ses vêtements ! Comme elle était changée ! Wilhelm osait n