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DE WILHELM MEISTER. 567

Iule, mais il affirma que, là encore, et même enfin dans d’autres places du couvent, l’enfant se tenait aux aguets. Ses courses devinrent toujours plus inquiètes ; on se rappela même dans la suite qu’en ce temps-là, il s’était tenu aux fenêtres plus souvent que de coutume, et avait promené ses regards sur le lac. Sur ces entrefaites, notre pauvre sœur semblait peu i peu consumée par sa pensée unique et son occupation exclusive, et notre docteur proposa de mêler peu à peu parmi les autres ossements ceux d’un squelette d’enfant, pour augmenter par là son espérance. La tentative était hasardeuse ; cependant il semblait qu’on y gagnerait du moins, qu’une fois qu’elle aurait rassemble toutes les parties, on pourrait la détourner de sa recherche continuelle et lui faire espérer un voyage à Rome. Ce projet s’exécuta, et sa gardienne substitua peu à peu aux ossements trouvés ceux qu’on lui avait remis, et la pauvre malade éprouva une joie incroyable, lorsqu’elle vit successivement les parties se rejoindre, et que l’on put désigner celles qui manquaient encore. Elle avait fixé, avec un grand soin, chaque ossement à sa place, au moyen de fils et de rubans ; et, comme on le fait en l’honneur des saintes reliques, elle avait rempli les intervalles avec de la soie et des broderies. On avait ainsi recomposé le squelette il ne manquait plus que quelques extrémités. Un matin, que Spérata dormait encore, le médecin étant venu demander de ses nouvelles la vieille tira ces précieux ossements de la cassette, qui se trouvait dans la chambre à coucher, pour montrer au docteur le travail de la pauvre malade. Bientôt après, on l’entendit sauter à bas du lit ; elle leva le voile, et trouva la cassette vide. Elle tombe à genoux, on vient et l’on entend sa joyeuse et fervente prière. Oui, c’est véritable ! s’écria-t-elle ; ce n’est point un songe ; c’est une réalité Réjouissez-vous avec moi, mes amis. J’ai revu, pleine de vie, la bonne et belle créature. Elle s’est levée, elle a rejeté le voile qui la couvrait ; son éclat illuminait la chambre sa beauté était glorifiée elle voulait et ne pouvait poser les pieds sur le plancher ; elle s’est élevée d’un vol léger, sans pouvoir seulement me toucher la main. Alors elle m’a appelée à sa suite, et m’a montré le chemin que je dois prendre. Je la suivrai, je la suivrai bientôt ; je le sens et mon cœur est soulagé. Ma peine