Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/62

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Chapitre XVI

Son père et sa mère avaient pourvu à ce qui était nécessaire pour son voyage : quelques bagatelles, qui manquaient à son équipage, retardèrent son départ de quelques jours. Wilhelm profita de ce temps pour écrire à Marianne une lettre, où il voulut enfin l’entretenir du sujet sur lequel elle avait toujours évité jusqu’alors de s’expliquer avec lui. Voici cette lettre :

«  Sous le voile propice de la nuit, qui me couvrit quelquefois dans tes bras, assis à ma table, je rêve à toi et je t’écris, et mes pensées et mes projets ne sont que pour toi. O Marianne, je suis le plus heureux des hommes ; je suis comme un fiancé, qui, dans le pressentiment du monde nouveau prêt à se développer en lui et par lui, debout sur le tapis sacré, pendant la sainte cérémonie, se transporte, par le rêve du désir, devant les mystérieux rideaux, où les délices de l’amour le convient avec un doux murmure.

«  J’ai pris sur moi de ne pas te voir de quelques jours. Cela m’était facile, avec l’espoir d’un pareil dédommagement : être à toi pour toujours, vivre pour toi sans partage ! Dois-je répéter ce que je désire ? Oui, c’est nécessaire, car il me semble que, jusqu’à ce jour, tu ne m’as pas compris.

«  Que de fois, avec l’accent timide de l’amour fidèle, qui n’ose dire que peu de chose, parce qu’il voudrait tout obtenir, ai-je sondé ton cœur sur mon désir d’une éternelle union ! Tu m’as compris sans doute : car le même vœu doit germer dans ton cœur ; tu m’as compris dans chaque baiser, dans le repos, voluptueux de ces heureuses nuits. Alors j’ai appris à connaître ta discrétion, et combien a-t-elle augmenté mon amour ! Une autre aurait employé l’artifice, pour faire mûrir, sous un soleil prodigue