Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/61

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ce débat, chacun aime mieux la défaite que la victoire.

Wilhelm répétait à Marianne, ce qu’elle avait déjà cent fois entendu, qu’elle avait bientôt détourné son attention du spectacle, pour l’attirer sur elle seule ; que sa figure, son jeu, sa voix, l’avaient captivé ; qu’il n’avait plus suivi que les pièces où elle jouait ; qu’enfin il s’était glissé sur le théâtre, et s’était tenu souvent près d’elle sans en être observé ; puis il parlait avec transport de l’heureux soir où il avait trouvé l’occasion de lui rendre un léger service et d’engager la conversation avec elle.

Marianne, de son côté, ne voulait pas convenir qu’elle eût été si longtemps sans le remarquer ; elle soutenait qu’elle l’avait déjà vu à la promenade, et lui désignait, pour preuve, l’habit qu’il portait ce jour-là ; elle soutenait que dès lors elle l’avait préféré à tous les autres, et qu’elle avait désiré le connaître. Que Wilhelm croyait tout cela volontiers ! Comme il aimait à se persuader qu’au temps où il s’approchait de Marianne, un attrait irrésistible l’avait attirée vers lui ; qu’elle s’était placée à dessein auprès de lui dans les coulisses, pour le voir de plus près et faire connaissance avec lui ; qu’enfin, ne pouvant vaincre sa réserve et son embarras, elle lui avait elle-même fourni une occasion, et l’avait presque obligé de lui apporter un verre de limonade !

Pendant ce gracieux débat, où ils passèrent en revue toutes les circonstances de leur courte histoire d’amour, les heures s’écoulèrent bien vite, et Wilhelm, complètement rassuré, quitta sa maîtresse, avec la ferme résolution d’exécuter sans retard son projet.