Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jouissances célestes, aussi certainement que j’ai trouvé sur ton sein des joies qui peuvent toujours être nommées célestes, parce qu’en ces moments nous nous sentons transportés hors de nous-mêmes, élevés au-dessus de nous-mêmes.

«  Je ne puis finir. J’en ai déjà trop dit, et ne sais si j’ai dit tout ce qui t’intéresse ; car, les mouvements tumultueux de mon cœur, nulles paroles ne sauraient les exprimer.

«  Reçois cependant cette feuille, mon amie. Je viens de la relire, et je trouve qu’il faudrait tout recommencer : cependant elle contient tout ce que tu as besoin de savoir, ce qui doit te préparer pour l’heure prochaine, où je retournerai dans tes bras avec la joie du plus tendre amour. Je suis comme un prisonnier qui, faisant le guet, lime ses fers dans un cachot. Je souhaite une bonne nuit à mes parents, qui dorment tranquilles…. Adieu, ma bien-aimée ! adieu ! Cette fois, je finis. Mes yeux se sont fermés deux fois, trois fois…. La nuit est fort avancée. »

Chapitre XVII

Le jour ne voulait pas finir, et Wilhelm, qui avait déjà mis dans sa poche la lettre élégamment pliée, brûlait de se rendre chez Marianne. Aussi, contre son ordinaire, il attendit à peine qu’il fît sombre pour se rendre furtivement chez elle. Son plan était d’annoncer sa visite pour la nuit, de quitter sa maîtresse pour quelques heures, après avoir glissé la lettre dans ses mains, et de revenir plus tard recevoir sa réponse, son consentement, ou l’arracher par la force de ses caresses. Il vola dans ses bras, et, penché sur son sein, il fut à peine maître de lui. Sa vive émotion l’empêcha de voir d’abord qu’elle ne lui répondait pas avec sa tendresse accoutumée ; mais elle ne put lui cacher longtemps son anxiété. Elle allégua un malaise, une