Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Quelque temps après, un jeune garçon, en tablier de coiffeur et en jaquette blanche, sortit de cette auberge, vint droit à Wilhelm, le salua et lui dit :

«  La dame que vous voyez à la fenêtre vous fait demander si vous ne lui céderiez pas une partie de vos belles fleurs.

— Elles sont toutes à son service, répondit Wilhelm, en remettant le bouquet au jeune messager et saluant la belle, qui répondit par un geste gracieux et se retira de la fenêtre.

En rêvant à cette charmante aventure, il montait l’escalier, pour aller dans sa chambre, lorsqu’une jeune créature, qui descendait en sautant, attira son attention. Une courte veste de soie, avec des manches tailladées à l’espagnole, un pantalon collant, orné de bouffantes, lui allaient à merveille. Ses longs cheveux noirs étaient frisés et attachés en boucles et en tresses autour de sa tête. Wilhelm observait avec étonnement cette figure, et ne savait s’il devait la prendre pour un garçon ou pour une fille. Mais il s’arrêta bientôt à la dernière supposition ; et, comme l’enfant passait devant lui, il l’arrêta, lui souhaita le bonjour, et lui demanda à qui elle appartenait, quoiqu’il pût voir aisément qu’elle devait faire partie de la troupe dansante. Elle lui jeta, de ses yeux noirs et perçants, un regard de côté, et, se dégageant de ses mains, elle courut dans la cuisine sans lui répondre.

Lorsqu’il eut monté l’escalier, il trouva, dans le spacieux vestibule, deux hommes qui s’exerçaient à faire des armes, ou plutôt qui semblaient essayer leurs forces l’un sur l’autre. L’un appartenait évidemment à la troupe qui logeait dans la maison, l’autre avait de meilleures manières. Wilhelm, s’étant arrêté à les regarder, eut sujet de les admirer tous deux, et, le vigoureux champion à barbe noire ayant bientôt quitté la place, l’autre offrit, avec beaucoup de politesse, le fleuret à Wilhelm.

«  Si vous voulez, répondit-il, vous charger d’un écolier, je serai charmé d’essayer avec vous quelques passades. »

Ils engagèrent la lutte, et, quoique l’étranger fût bien plus fort que notre voyageur, il eut la politesse d’assurer que tout dépendait de l’exercice. Et véritablement Wilhelm s’était montré le digne élève d’un bon maître allemand, qui lui avait autrefois enseigné les principes de l’escrime.