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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/89

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Leur exercice fut interrompu par le vacarme avec lequel la troupe bariolée sortit de l’auberge, pour annoncer dans la ville son spectacle et rendre les gens curieux d’admirer ses talents. L’entrepreneur, à cheval, ouvrait la marche, précédé par un tambour ; derrière lui venait une danseuse, portée aussi sur une haridelle, et tenant devant elle un enfant tout chamarré de rubans et d’oripeaux. Le reste de la troupe suivait à pied. Quelques-uns portaient avec aisance sur leurs épaules, dans des postures bizarres, des enfants, parmi lesquels la jeune et sombre figure aux cheveux noirs attira de nouveau l’attention de Wilhelm.

Paillasse courait et folâtrait parmi la foule empressée, et, tout en faisant ses farces sans gêne, tantôt embrassant une fillette, tantôt appliquant un coup de batte à un petit garçon, il distribuait des programmes, et il éveillait parmi le peuple un extrême désir de faire avec lui plus ample connaissance.

Dans les annonces imprimées étaient prônés les divers talents de la troupe, particulièrement ceux de M. Narcisse et de Mlle Landrinette, qui, en qualité de personnages principaux, s’étaient habilement dispensés de la parade, pour se donner plus de considération et piquer davantage la curiosité.

Pendant le défilé, la belle voisine s’était de nouveau montrée à la fenêtre, et Wilhelm n’avait pas manqué de s’enquérir d’elle à son compagnon. L’étranger, que pour le moment nous appellerons Laërtes, offrit de le conduire auprès d’elle.

«  Cette dame et moi, dit-il en souriant, nous sommes les débris d’une troupe de comédiens qui vient de faire naufrage dans cette ville. L’agrément du lieu nous a décidés à y séjourner quelque temps, et à manger doucement nos petites économies, tandis qu’un ami est allé à la recherche d’un engagement pour nous et pour lui. »

Laërtes conduisit aussitôt son nouveau compagnon à la porte de Philine, où il le laissa un moment pour acheter des bonbons dans une boutique voisine