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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/90

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«  Vous me saurez gré assurément, lui dit-il à son retour, de vous avoir procuré cette aimable connaissance. »

La dame vint à leur rencontre hors de la chambre. Elle était chaussée de légères pantoufles à hauts talons ; elle avait jeté une mantille noire sur un déshabillé blanc, qui, n’étant pas d’une parfaite fraîcheur, lui donnait un air de négligence familière ; sa jupe courte laissait voir le plus joli pied du monde.

«  Soyez le bienvenu, dit-elle à Wilhelm, et recevez mes remercîments pour vos belles fleurs. »

Elle le fit entrer, en lui donnant une de ses mains, tandis que, de l’autre, elle pressait le bouquet sur son cœur. Lorsqu’ils furent assis, discourant de choses insignifiantes, auxquelles Philine savait donner un tour agréable, Laërtes secoua sur les genoux de l’actrice une poignée de pralines, qu’elle se mit à croquer aussitôt.

«  Voyez donc quel enfant que ce jeune homme ! s’écria-t-elle. Il voudra vous persuader que je suis passionnée de ces friandises, et c’est lui qui ne peut vivre sans gruger quelques bonbons !

— Avouons franchement, répliqua Laërtes, qu’en cela, comme en beaucoup d’autres choses, nous allons fort bien ensemble. Par exemple, ajouta-t-il, la journée est fort belle : je serais d’avis d’aller faire une promenade et dîner au moulin.

— Très-volontiers, dit Philine ; nous devons à notre nouvelle connaissance une petite distraction. »

Laërtes sortit en courant (il ne marchait jamais), et Wilhelm voulait retourner un moment chez lui pour faire arranger ses cheveux, où paraissait encore le désordre du voyage.

«  On peut vous coiffer ici, » dit-elle ; puis elle appela son petit domestique, et, de la manière la plus aimable, elle obligea Wilhelm d’ôter son habit, de passer son peignoir et de se faire coiffer en sa présence.

«  Il ne faut pas perdre un moment, dit-elle ; on ne sait pas combien de temps on doit rester ensemble. »

Le jeune garçon, plus par malice et mauvaise volonté que par maladresse, ne s’y prit pas au mieux ; il tirait les cheveux de Wilhelm, et semblait ne vouloir pas en finir de sitôt. Philine lui reprocha plusieurs fois sa sottise, l’écarta enfin avec impatience