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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/133

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votre entremise, mais j’ai encore une question à vous faire. Ma tante n’a-t-elle pas fini par vous recommander de m’annoncer une chose en apparence insignifiante ? » Wilhelm réfléchit un moment.

« Oui, reprit-il, je l’oubliais ! Elle a parlé d’une jeune personne qui se nommait Valérine. J’étais chargé de vous dire qu’elle est heureusement mariée, et qu’elle se trouve dans une situation digne d’envie.

— Vous m’ôtez une montagne de dessus le cœur ! répliqua Lénardo. Maintenant je retournerai chez nous volontiers, puisque je n’ai pas à craindre que le souvenir de cette jeune fille me soit, dans l’occasion, un sujet de remords.

— Il ne m’appartient pas de vous demander quelles relations vous avez eues avec elle. Il suffit que vous puissiez être tranquille, si vous vous intéressez, de quelque manière que ce soit, au sort de cette jeune femme.

— Ce sont les relations les plus singulières du monde, dit Lénardo : ce n’est point une affaire d’amour, comme on pourrait l’imaginer. Je puis bien vous confier et vous raconter ce qui n’est pas proprement une histoire. Mais que penserez-vous, quand je vous dirai que les hésitations de mon retour, que la crainte de reparaître dans notre maison, que ces bizarres dispositions, ces questions sur ce qui se passait chez nous, n’avaient proprement pour objet que d’apprendre, en passant, ce qu’était devenue cette jeune fille.

« Croyez-le, en effet, poursuivit-il, je sais d’ailleurs fort bien qu’on peut quitter ses amis pour longtemps sans les retrouver changés au retour ; aussi pcnsé-je me sentir bientôt parmi les miens tout à fait à mon aise. Cette seule personne m^inquiétait ; il fallait que son sort fût changé, et, grâce au ciel, il est changé en mieux !

— Vous provoquez ma curiosité. Vous me préparez à quelque chose d’extraordinaire.

— C’est du moins mon avis, » répondit Lénardo. Et il commença son récit de la manière suivante :

« C’était chez moi une’ferme résolution, nourrie dès mes plus tendres années, de faire, suivant l’usage, et pendant ma jeunesse, mon tour d’Europe : cependant je différais, comme il ar-