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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/175

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la mauvaise humeur du major. Auparavant il avait toujours été satisfait de lui-même et de son vieux domestique ; mais, quand il se regarda au miroir, il ne se trouva point tel qu’il aurait souhaité. Il ne pouvait dissimuler quelques cheveux gris, et il crut découvrir aussi quelques rides. Il se poudra et s’essuya plus soigneusement que d’habitude, et dut finir par laisser les choses aller comme elles pourraient. Il ne fut pas plus satisfait de ses vêtements et de leur propreté. Il se trouvait toujours sur l’habit quelque duvet, et quelque poussière sur les bottes. Le vieux serviteur ne savait ce que cela voulait dire, et il était surpris de voir son maître si changé.

Malgré tous ces empêchements, le major descendit d’assez bonne heure au jardin. Il espérait y trouver Hilarie : il la trouva en effet. Elle vint lui présenter un bouquet, et il n’eut pas le courage de lui donner un baiser, comme autrefois, et de la presser sur son cœur. Il se sentait dans l’embarras le plus agréable du monde, et s’abandonnait à ses sentiments sans songer où cela pourrait le conduire.

La baronne ne tarda pas non plus à paraître, et, en remettant à son frère un billet, qu’un messager venait d’apporter, elle s’écria :

« Tu ne devines pas qui ce billet nous annonce !

— Eh bien, dis-le tout de suite ! » répondit le major.

Et il apprit qu’un acteur, de ses anciens amis, qui passait non loin du château, avait songé à lui faire une visite.

  • Je suis curieux de le revoir, dit le major : ce n’est plus un jeune homme, et l’on dit qu’il joue toujours les jeunes premiers.

— Il doit avoir dix ans de plus que toi, dit la baronne.

— Certainement, repartit le major, d’après tous mes souvenirs. »

Ils n’attendirent pas longtemps avant de voir paraître un homme agréable, de joyeuse humeur et bien tourné. Les amis se reconnurent bientôt, et des souvenirs de toute espèce animèrent la conversation. On en vint ensuite aux récits, aux questions, aux comptes rendus ; de part et d’autre, on se mit au fait de la situation présente, et l’on se trouva bientôt comme si l’on ne se fût jamais quitté.