Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/210

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survient dans les moments difficiles, redoutables, et ce hasard vint à leur secours. Le fils se présenta entièrement vêtu des habits du père : car, tous les siens étant hors d’état de servir, on avait eu recours à la garde-robe de campagne et de maison du major, qui la laissait en réserve chez sa sœur, afin d’en user à son aise pour la chasse et pour la maison. La baronne sourit et fit bonne contenance. Hilarie, saisie d’une surprise indéfinissable, détourna le visage, et le jeune homme ne trouvait dans ce moment pas une phrase, pas un mot d’amitié. Pour tirer tout le monde d’embarras, le docteur entreprit un parallèle entre la stature du père et celle du fils ; le père était un peu plus grand, par conséquent l’habit était un peu trop long ; le fils avait la carrure un peu plus large, aussi l’habit était-il trop étroit aux épaules. Ces deux disconvenances donnèrent à la mascarade une apparence comique ; par ces détails, on échappa aux difficultés du moment : mais la ressemblance entre le portrait du père, dans sa jeunesse, et le jeune fils, qui était devant ses yeux, ne cessa pas de produire sur Hilarie un effet désagréable et même pénible.

Nous aimerions à voir les temps qui suivirent retracés en détail par la plume délicate d’une femme : car, selon notre manière, nous ne pouvons nous attacher qu’aux circonstances les plus générales. Ainsi donc, nous allons revenir sur l’influence de la poésie.

On ne pouvait refuser à notre Flavio quelque talent : mais il avait trop besoin d’une passion réelle pour produire quelque chose de remarquable. Aussi, presque tous les vers consacrés à cette femme irrésistible paraissaient-ils pleins de force et de mérite, et maintenant, lus avec enthousiasme à une belle et charmante jeune fille, ils ne devaient pas produire peu d’effet.

Une femme qui en voit une autre passionnément aimée se prête volontiers au rôle de confidente ; elle nourrit, presque à son insu, le secret sentiment, qu’il ne serait pas désagréable de se voir insensiblement substituée à la place de l’objet adoré. Les entretiens devinrent de plus en plus significatifs. Flavio avait composé des poèmes dialogués, comme font souvent les poètes amoureux, parce qu’ils peuvent se faire répondre, quoique avec réserve, à peu près ce qu’ils désirent, et ce qu’ils ose-