Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/216

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côté de l’ombre ; l’inconnu, éclairé en plein par les rayons de la lune, venait droit à eux ; il se trouvait devant leurs yeux : il était impossible de ne pas reconnaître le père.

Hilarie, arrêtant sa course, perdit l’équilibre par l’effet de la surprise et tomba. Flavio mit aussitôt un genou sur la glace, et prit dans ses bras la tête d’Hilarie ; elle se cachait le visage ; elle ne savait ce qui lui était arrivé.

«Je cours chercher un traîneau ; en voilà un qui passe encore là-bas. J’espère qu’elle ne s’est pas blessée. Je vous retrouverai vers ces trois aunes. »

Ainsi parla le père, et il était déjà parti. Hilarie se releva vivement, en s’appuyant sur Flavio.

« Fuyons, s’écria-t-elle. Je ne puis supporter cela. »

Et, tournant du côté opposé au château, elle s’éloignait d’une course si vive, que Flavio eut quelque peine à l’atteindre. Il lui prodigua les plus douces paroles.

Il est impossible de décrire ce qui se passa dans le cœur de ces trois personnes, errantes, égarées, sur la plaine de glace, à la clarté de la lune. Ils revinrent tard au château, les jeunes gens, chacun à part, n’osant plus se toucher, s’approcher ; le père, avec le traîneau vide, qu’il avait promené vainement de côté et d’autre, pour aller au secours d’Hilarie. La musique et la danse avaient déjà commencé. Hilarie se retira chez elle, alléguant les suites fâcheuses d’une mauvaise chute ; Flavio abandonna très-volontiers la direction du bal à quelques jeunes amis, qui s’en étaient emparés en son absence. Le major ne parut point, et fut assez surpris de trouver sa chambre comme habitée, quoiqu’il ne fût pas attendu, et ses habits, son linge, ses effets, étalés alentour, seulement dans un moins bon ordre que de coutume. La dame du château remplit ses devoirs avec une contrainte polie. Et comme elle fut contente, lorsqu’enfm tous ses hôtes, bien casés dans leurs appartements, lui laissèrent la liberté de s’expliquer avec son frère ! Ce fut bientôt fait : mais il leur fallut du temps pour se remettre de leur surprise, pour comprendre l’imprévu, pour lever les doutes, pour apaiser l’inquiétude. Quant au dénoùment de la difficulté, aux moyens de sortir d’embarras, on ne pouvait y songer de sitôt.

Nos lecteurs comprennent bien que nous devons, dès ce mo-