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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/215

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tacle e les plus agréables passe-temps : car les courses sur la glace ont cet avantage sur les autres exercices corporels, que les efforts n’échauffent pas et que la durée ne fatigue pas ; tous les membres semblent devenir plus souples, et chaque emploi de la force produire des forces nouvelles, en sorte que nous finissons par goûter un repos doucement agité, dans lequel nous sommes tentés de nous bercer sans cesse.

Un soir, notre jeune couple ne pouvait s’arracher de la plaine glacée ; chaque course vers le château, brillamment éclairé, et qui déjà réunissait une société nombreuse, était soudain suivie d’un autre élan en sens contraire ; on ne voulait pas se séparer, de peur de se perdre ; on se tenait par la main, pour être bien sûr de la présence l’un de l’autre. Mais le mouvement semblait surtout délicieux, quand les bras entrelacés reposaient sur les épaules, et que les doigts délicats jouaient avec distraction dans les boucles de la chevelure.

La lune monta dans le ciel étincelant d’étoiles et compléta la magie du spectacle. Ils se revirent distinctement l’un l’autre, et ils cherchèrent à l’envi, dans leurs yeux voilés, la réponse ordinaire, mais elle sembla n’être plus la même ; du fond de leurs prunelles, une lumière parut briller et faire comprendre ce que leur bouche taisait sagement : ils se sentaient tous deux dans une paix charmante et solennelle.

Les grands saules et les aunes qui bordaient les fossés, les plus humbles buissons, sur les hauteurs et les collines, se voyaient distinctement ; les astres étincelaient ; le froid était devenu plus vif : nos jeunes gens ne le sentaient pas, et ils allaient au-devant du reflet de la lune, qui scintillait au loin, au-devant de l’astre lui-même. Puis ils levèrent les yeux, et virent, dans les éclairs du reflet, flotter çà et là la figure d’un homme qui semblait poursuivre son ombre, et qui, sombre lui-même, environné de lumière, s’avançait de leur côté : ils se détournèrent involontairement ; toute rencontre leur eût été désagréable. Ils évitaient la figure, qui continuait de se mouvoir au hasard, et semblait ne pas les avoir aperçus. Ils poursuivirent eux-mêmes leur course vers le château. Mais tout à coup leur tranquillité les abandonna, car la vision circula plus d’une fois autour du couple angoissé. Par hasard, ils avaient pris le