Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/236

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manière plus agréable et moins chère pour ceux qui les emploient, qu’ils n’auraient pu faire par eux-mêmes.

Il se présenta en même temps, pour servir les dames, quelques femmes vives et intelligentes, en sorte que la belle veuve put exiger que les deux amis acceptassent chez elle une modeste hospitalité. Tout réussit pour le mieux : car, en cette occasion, comme auparavant, l’habile serviteur avait su faire un si bon usage des lettres de crédit et de recommandation dont les dames étaient pourvues, qu’en l’absence des maîtres, le château, les jardins, ainsi que la cuisine, furent mis à leur disposition, et que la cave même leur fut ouverte. Tout s’arrangea pour le mieux, et, dès le premier moment, les voyageurs pouvaient se croire les maîtres originaires et légitimes de ce paradis.

Tous leurs effets furent sans délai transportés dans l’île,’ ce qui fut extrêmement commode à la société ; mais le plus grand avantage que l’on avait en vue fut de pouvoir, pour la première fois, réunir tous les portefeuilles de l’excellent artiste, et lui fournir l’occasion d’exposer aux dames, dans un ordre suivi, la route qu’il avait parcourue. Ce leur fut une occupation délicieuse. On ne vit point ici cet échange banal de compliments auquel s’abandonnent les amateurs et les artistes : un homme distingué recevait les éloges les mieux sentis et les plus intelligents. Mais, pour ne pas être soupçonné de vouloir, par des phrases générales, persuader aux lecteurs crédules ce que nous ne pouvons leur produire, nous présenterons ici le jugement d’un connaisseur, qui, plusieurs années après, put ’admirer à loisir ces travaux, ainsi que d’autres du même genre.

Notre artiste réussissait à peindre la tranquille sérénité de ces paisibles vues de lacs, où d’agréables habitations riveraines, se réfléchissant dans l’eau transparente, semblent s’y baigner ; les rives, entourées de vertes collines, derrière lesquelles s’élèvent des montagnes boisées et les cimes des glaciers. Le coloris de ces paysages est gracieux et brillant ; les lointains sont comme pénétrés d’une douce vapeur, qui monte, en voiles grisâtres, des vallées et des profondeurs arrosées, et en indique les sinuosités. Le maître ne déploie pas un art moins admirable à peindre les vallées plus voisines des hautes montagnes, dont