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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/24

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tage pour lui et pour les autres. Mais je ne pus me résoudre à prendre la même profession. Je me sentais attiré irrésistiblement vers l’état de charpentier, dont j’avais vu, dès mon enfance, les outils représentés, si exactement et avec tant de détails, à côté de mon patron. Je déclarai mon désir : on n’y fit point d’opposition, d’autant que nos divers bâtiments nous avaient rendu souvent cette industrie nécessaire ; d’ailleurs, avec un certain goût et une certaine adresse pour les travaux plus délicats, la menuiserie et même la sculpture sur bois y touchent de bien près, surtout dans les pays de forêts. Et ce qui me soutenait encore dans mes vues ambitieuses, était un tableau, qui, par malheur, est aujourd’hui tout effacé. Aussitôt que vous en saurez le sujet, vous pourrez le démêler encore, quand je vous le ferai voir. Saint Joseph a reçu l’ordre important de fabriquer un trône pour le roi Hérode. Le siége auguste doit s’élever entre deux colonnes indiquées. Joseph prend soigneusement la mesure de la largeur et de la hauteur, et fabrique un trône admirable. Mais quelle surprise est la sienne ! quel embarras, lorsque, le siége de parade étant apporté, il se trouve trop haut et trop étroit ! On sait qu’avec le roi Hérode, il ne s’agissait pas de plaisanter. Le pieux charpentier est dans la plus grande perplexité. L’enfant Jésus, accoutumé à le suivre partout, à se faire un modeste amusement de porter ses outils, voit son angoisse et vient d’abord à son aide. Il dit à son père nourricier de prendre le trône d’un côté ; lui-même, il le prend de l’autre, et tous deux de tirer. Le trône s’élargit sans peine et sans efforts, comme s’il était de cuir ; il perd en hauteur à proportion, et remplit parfaitement la place, à la grande joie du charpentier et à l’entière satisfaction du roi.

« Ce trône se voyait encore très-bien dans mon enfance, et vous pourrez observer, à ce qui reste d’un côté, qu’on n’avait pas épargné les ciselures, chose assurément plus facile au peintre qu’au charpentier, si on l’avait exigé de lui.

« Mais cela ne m’arrêta point, et me fit voir, au contraire, sous un jour si honorable le métier dont j’avais fait choix, que je ne pouvais attendre le moment d’entrer en apprentissage, ce qui était d’autant plus facile, qu’il y avait dans le voisinage un maître qui travaillait pour toute la contrée, et qui pouvait occu-