Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/252

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les unes à la suite des autres, offrant des points de vue variés. L’extérieur des bâtiments annonçait clairement leur destination ; ils étaient dignes et imposants ; ils étaient beaux plutôt que magnifiques ; aux plus nobles et aux plus sévères, qui se trouvaient au centre de la ville, en succédaiest de gracieux ; puis les faubourgs élégants, d’un style agréable, s’étendaient jusque dans les champs, et finissaient par se disperser en habitations entourées de jardins.

Le voyageur ne put s’empêcher de faire observer que les ha- . bitations des musiciens, dans le district précédent, ne pouvaient en aucune façon être comparées, pour la grandeur et la beauté, à celles où étaient logés les peintres, les sculpteurs et les architectes. On lui répondit que cela tenait à la nature de la chose. Le musicien doit être toujours concentré en lui-même ; il doit cultiver son être moral, pour le produire au dehors ; il n’est point appelé à flatter l’œil : l’œil triomphe aisément de l’oreille, et entraine l’esprit vers les objets extérieurs. Au contraire, l’artiste voué à la plastique doit vivre dans le monde extérieur, et, comme à son insu, manifester l’état de son âme dans les choses du dehors et par leur intermédiaire. Ces artistes doivent être logés comme des rois et des dieux ; sans cela, comment pourraient-ils bâtir et décorer des édifices pour les rois et les dieux ? Ils doivent enfin s’élever tellement au-dessus du vulgaire, que le peuple tout entier se sente ennobli dans leurs ouvrages.

Notre ami se fit ensuite expliquer un autre paradoxe, savoir pourquoi, précisément dans ces jours de fête, ces jours d’une joie tumultueuse, qui animaient si vivement d’autres cantons, régnait dans celui-ci le plus grand silence, et pourquoi le travail n’était pas aussi interrompu.

« L’homme qui se consacre à l’art plastique, répondit le surveillant, n’a besoin d’aucune fête. Pour lui l’année tout entière est une fête. Quand il a produit quelque œuvre excellente, elle demeure, après comme auparavant, exposée à ses yeux, aux yeux du monde entier ; il n’est besoin pour cela d’aucune répétition, d’aucun nouvel effort, d’aucun nouveau succès, que le musicien.est contraint de poursuivre sans cesse ; aussi lui fautil accorder les fêtes les plus magnifiques, en présence d’un public nombreux.