Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/26

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beth me recevait toujours, ses laconiques réponses à mes questions énigmatiques, que je ne comprenais pas moi-même, m’inspiraient pour elle un singulier respect, et sa maison, qui était d’une extrême propreté, me semblait comme un petit sanctuaire.

« Cependant mes connaissances et mon activité comme charpentier me donnèrent une certaine influence dans ma famille. De même que mon père, en qualité de tonnelier, avait eu soin de la cave, je m’occupais des toitures, et je réparai maintes parties dégradées des vieux bâtiments. Je sus remettre en état de servir quelques granges et remises ruinées. Ces travaux à peine achevés, je commençai à déblayer et à nettoyer ma chère chapelle. En peu de jours, elle fut à peu près dans l’ordre où vous la voyez aujourd’hui. Je m’appliquai à réparer ou à remplacer, dans le même style, les parties du lambris endommagées ou détruites. Peut-être aussi prendriez-vous pour un travail antique les deux battants de la porte d’entrée : cependant ils sont mon ouvrage. Pendant plusieurs années, j’ai consacré mes heures de loisir à les ciseler, après les avoir construits et assemblés en forts madriers de chêne. Les peintures qui n’avaient été jusqu’alors ni endommagées ni effacées sont encore intactes, et j’aidai le vitrier du pays dans la construction d’un nouveau bâtiment, sous condition qu’il réparerait nos vitres peintes.

« Si ces tableaux et mes réflexions sur la vie des saints avaient occupé mon imagination, toutes ces impressions devinrent plus vives chez moi, quand je pus, de nouveau, considérer cette salle comme un sanctuaire, y passer des heures, surtout en été, et méditer à loisir sur ce que je voyais ou imaginais. Un penchant irrésistible m’appelait à suivre les traces de saint Joseph, et, comme des événements pareils ne se reproduisent pas facilement, je voulais du moins commencer à lui ressembler dans les petites choses, ainsi que j’avais déjà fait depuis longtemps, en me servant de la bête de somme. Le petit âne que j’avais eu jusqu’alors ne pouvait plus me suffire : je m’en procurai un beaucoup plus grand et plus beau, avec un bât bien fabriqué, également commode pour monter la bête et la charger. Je me fournis aussi de deux paniers neufs ; un filet de cor-