La conversation de l’administrateur et des ouvriers l’instruisit clairement de ce qu’il désirait savoir à ce sujet. Les quatre robustes jeunes gens étaient occupés dans le voisinage, où un violent incendie avait réduit en cendres une charmante petite ville. Il apprit encore que le diligent administrateur était occupé i procurer les bois et les autres matériaux, ce qui lui parut d’autant plus difficile à expliquer que, dans tout le reste, ces hommes s’annonçaient, non comme des gens du pays, mais comme n’étant là qu’en passant. A la fin du repas, Saint-Christophe (c’était le nom qu’ils donnaient au géant) s’arrosa, en guise de potion somnifère, d’un grand verre de vin mis à part, et un chant joyeux tint, quelques moments encore, les convives réunis, pour l’oreille du moins, car ils avaient déjà disparu aux regards et s’étaient dispersés.
Wilhelm fut conduit dans une chambre agréablement située. La lune, déjà levée, éclairait de riches campagnes, et réveilla dans le cœur de notre pèlerin des souvenirs en harmonie avec cette scène. Les images de tous ses amis passèrent devant lui : celle de Lénardo était surtout si vivante, qu’il croyait le voir. Toutes ces sensations le disposaient doucement au sommeil, quand le bruit le plus étrange vint lui causer une sorte de frayeur. Il retentissait de loin, et semblait pourtant se faire dans la maison même, car elle tremblait parfois, et les poutres gémissaient, quand le fracas s’élevait à toute sa violence. Wilhelm, dont l’oreille délicate savait distinguer tous les bruits, ne put cependant reconnaître celui-ci : il le comparait au ronflement d’un grand tuyau d’orgue, qui, en raison de sa vaste dimension, ne donne aucun son distinct. Ce vacarme nocturne cessa-t-il vers le matin, ou Wilhelm, s’y étant peu à peu accoutumé, n’y fut-il plus sensible, c’est ce que nous ne pouvons guère décider ; quoi qu’il en soit, il s’endormit, et fut agréablement réveillé par le soleil levant.
A peine un des jeunes garçons eut-il servi son déjeuner, qu’un personnage se présenta, qu’il avait déjà remarqué au souper, sans se rendre compte de ce qu’il pouvait être. C’était un homme de belle taille, large d’épaules, agile, qui, en étalant ses instruments, se fit connaître pour un barbier, et se mit en mesure de rendre à Wilhelm ce service bienvenu. Au reste il gardait le