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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/31

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lit. Élisabeth s’avança, comme pour m’annoncer ; elle enleva du lit quelque chose qu’elle me présenta : c’était un bel enfant, dans des langes d’une éclatante blancheur. Élisabeth le tenait entre la mère et moi, et, à l’instant, me vint à la pensée le lis qui, dans le tableau, sort de terre entre Marie et Joseph, comme signe d’une pure alliance. Dès ce moment, mon cœur fut entièrement soulagé ; j’étais assuré de mon bien, de mon bonheur. Je pus m’approcher d’elle en liberté, lui parler, soutenir son regard céleste, prendre l’enfant dans mes bras, et imprimer sur son front un tendre baiser.

« Que je vous remercie de votre affection pour cet orphelin ! » me dit la mère.

« Je m’écriai, avec une vivacité inconsidérée :

« Il n’est plus orphelin, si vous le voulez ! »

« Élisabeth, plus sage que moi, ôta l’enfant de mes bras et trouva un prétexte pour m’éloigner.

« Le souvenir de ce temps m’est toujours un doux entretien, quand je suis obligé de parcourir nos montagnes et nos vallées. Je n’ai pas oublié la plus petite circonstance, mais je dois vous épargner ces détails. Bientôt Marie se rétablit : je pus la voir plus souvent ; mes rapports avec elle étaient une suite de services et d’attentions. Maîtresse absolue de choisir le lieu de sa résidence, elle demeura d’abord chez Mme Élisabeth, puis elle vint nous voir, afin de remercier et ma mère et moi des nombreux services que notre amitié lui avait rendus. Elle se plaisait chez nous, et j’aimais à croire que c’était en partie à cause de moi. Cependant ce que j’aurais dit si volontiers, et que je n’osais dire, fut mis sur le tapis d’une manière agréable et nouvelle, quand je la conduisis dans la chapelle, que j’avais dès lors transformée en une salle habitable. Je lui montrai et lui expliquai les tableaux l’un après l’autre, et je développais en même temps les devoirs d’un père adoptif, d’une manière si vive et si franche, que les larmes lui en vinrent aux yeux, et que je ne pus achever mon explication des tableaux. Je crus être assuré de son affection, sans être assez vain pour prétendre effacer sitôt le souvenir de son mari. La loi impose aux veuves une année de deuil, et certes cet intervalle, qui renferme en soi le changement de toutes les choses terrestres, est nécessaire à un