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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/32

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cœur aimant, pour adoucir les douloureuses impressions d’une grande perte. On voit les fleurs se flétrir et les feuilles tomber, mais on voit aussi les fruits mûrir et de nouveaux boutons germer. La vie appartient aux vivants, et ceux qui vivent doivent être préparés au changement.

« Je parlai à ma mère de la chose qui me tenait si vivement au cœur. Là-dessus elle m’apprit combien Marie avait été affligée de la mort de son mari ; comme elle n’avait été soutenue que par la pensée qu’elle devait vivre pour son enfant. Mon amour ne leur était pas resté inconnu, et déjà Marie s’était accoutumée à l’idée de vivre avec nous. Elle séjourna encore un peu dans le voisinage, puis elle s’établit chez nous, et nous vécûmes quelque temps encore comme les plus pieux et les plus heureux fiancés. Enfin nous fûmes unis. Le même sentiment qui nous avait rapprochés subsista toujours. Les devoirs et les plaisirs de la paternité adoptive se réunirent à ceux de la paternité naturelle ; notre petite famille, en s’augmentant, dépassa, il est vrai, son modèle, pour le nombre des personnes ; mais nous en avons observé et pratiqué religieusement les vertus, en ce qui touche la fidélité et la pureté des sentiments. Et, par une agréable habitude, nous conservons même la ressemblance extérieure, à laquelle nous sommes arrivés par hasard, et qui s’allie si bien à nos sentiments : aussi, quoique nous soyons tous bons marcheurs et robustes porteurs, l’âne reste toujours notre fidèle compagnon, afin de porter quelque fardeau, quand une affaire ou une visite nous appelle dans ces vallées et ces montagnes. Toute la contrée nous connaît, comme vous nous avez vus hier, et nous sommes fiers que notre conduite soit de nature à ne pas faire honte aux saintes personnes que nous avons prises pour modèles. »