Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/313

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Comme j’exprimais encore une fois l’ennui de cheminer entendent derrière les mulets, cet homme me proposa de descendre avec lui dans une vallée latérale, qui s’écartait, en ce lieu même, de la vallée principale, pour emmener les eaux dans une autre région. Ma résolution fut hientôt prise ; et, lorsque nous eûmes franchi, avec quelque fatigue, une crête assez escarpée, nous vîmes devant nous l’autre versant, qui parut d’abord très-sauvage : la pierre avait changé, et avait pris une forme schisteuse ; aucune végétation n’animait les rochers et les éboulements, et l’on se voyait menacé d’avoir à faire une descente très-rude. Des sources jaillissaient de plusieurs côtés à la fois ; on passa même auprès d’un petit lac, entouré de roches escarpées. Enfin parurent, d’abord isolés,’ puis groupés ensemble, des pins, des mélèzes et des bouleaux, puis, éparses sous leur ombrage, de rustiques maisons, fort misérables, il est vrai, que leurs habitants avaient eux-mêmes bâties en poutres croisées, et dont les toits étaient couverts de bardeaux grands et noirs, chargés de lourdes pierres, afin que le vent ne pût les emporter. Malgré cette triste apparence, l’intérieur, dans ses étroites proportions, n’était pas désagréable : il était chaud et sec, proprement tenu, et répondait fort bien à l’air joyeux des habitants, avec qui l’on se trouvait bientôt dans une familiarité champêtre.

Le marchand semblait attendu ; on l’avait guetté de la petite fenêtre à coulisse : car il avait coutume de venir, autant que possible, aux mêmes jours de la semaine. Il acheta le fil, il distribua de nouveau coton ; puis nous descendîmes rapidement dans un lieu où se trouvaient plusieurs maisons peu écartées les unes des autres. A peine sommes-nous aperçus, que les habitants accourent et nous saluent ; les enfants se pressent autour du bonhomme ; un petit pain, un gâteau, les mettent au comble de la joie. Le contentement était général, et il devint plus vif encore, quand on s’aperçut que Saint-Christophe avait aussi de ces provisions. Il eut à son tour le plaisir de moissonner ces remerciements enfantins, d’autant plus agréables pour lui, qu’il savait, comme son compagnon, fort bien s’y prendre avec ce petit peuple.

Les vieillards, de leur côté, tenaient des questions toutes prê-