Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/322

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mentionnées plus haut, qui tiennent la croisée ; tous les fils sont rangés avec le plus grand soin, et, jusqu’à ce qu’ils soient bien secs, on les évente avec une aile d’oie, fixée à un bâton : alors on peut commencer le tissage, et le continuer jusqu’à ce qu’il soit de nouveau nécessaire de coller.

Cette opération, comme celle qui consiste à éventer, est d’ordinaire abandonnée aux jeunes apprentis ; mais, dans les loisirs des soirées d’hiver, un frère ou un amant rend souvent ce service à la jolie tisseuse, ou du moins remplit du fil de la trame les petites bobines.

Les fines mousselines sont tissées humides : le fil destiné à la trame est trempé dans l’eau de colle ; on l’enroule, encore humide, aux bobines, et on l’emploie sur-le-champ : le tissu en est plus égal et parait plus brillant.

Jeudi, 18 septembre.

Je trouvais en général à ces ateliers de tisserands quelque chose de singulièrement animé, d’intime et de paisible. Plusieurs métiers étaient en mouvement ; on voyait encore tourner les rouets et les dévidoirs à bobines ; les vieillards, assis près du poêle, s’entretenaient doucement avec leurs voisins ou leurs connaissances. Par intervalles, on entendait quelque chant, d’ordinaire les psaumes à quatre parties d’Ambroise Lobwasser1, plus rarement des chansons mondaines ; par moments aussi un ’oyeux éclat de rire des jeunes filles, quand le cousin Jacques avait dit quelque mot plaisant.

Une habile et laborieuse ouvrière, quand elle est secondée, peut tout au plus achever, en une semaine, une pièce de mousseline ordinaire de trente-deux aunes ; mais cela est très-rare, et, si elle a quelques occupations domestiques, ce travail exige ordinairement quinze jours.

La beauté du tissu dépend de la marche égale du métier, de l’égalité du coup de chasse et de la trame sèche ou humide ; une


1. Ambroise Lobwasser, mort à Kœnigsberg en 158’)- traduisit les psaumes de David en vers allemands, d’après Marot et Théodore île L’èze. Son psautier, fort critiqué par les théologiens de l’époque. est peu remarquable au point ds vue littéraire : aussi est-il tombé dans l’oubli.