Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que le jeune homme se dresse hardiment sur ses pieds, jette sur Wilhelm un regard pénétrant et s’écrie :

« Si je dois vivre, que ce soit avec toi ! »

A ces mots il se jette au cou de son sauveur, avec des pleurs amers. Ils s’étaient reconnus tous deux. Ils se tenaient fermement embrassés, comme Castor et Pollux, qui se rencontrent sur le chemin des ténèbres à la lumière.

On pria Félix de se calmer. Les diligents bateliers avaient déjà préparé, sous de légers buissons, une couche commode, ombragée, éclairée à demi. Le beau jeune homme y reposait sur le manteau paternel ; ses boucles brunes, séchées promptcment, commençaient à se reformer ; il s’endormit avec un sourire paisible. Notre ami le contemplait avec bonheur et le couvrait du manteau.

« Admirable image de Dieu, disait-il, seras-tu donc reproduite sans cesse, pour subir aussitôt les atteintes, les blessures du dedans ou du dehors ? »

Le manteau couvrait l’enfant ; les rayons du soleil, bien ménagés, tirent pénétrer dans ses membres une douce chaleur ; ses joues reprirent le coloris de la santé : il semblait déjà complétement rétabli.

Les diligents bateliers, s’applaudissant d’avoir fait une bonne action qui avait une si heureuse issue, et dont ils se promettaient une riche récompense, avaient déjà fait sécher presque entièrement, sur la grève brûlante, les habits du jeune homme, pour le mettre, dès son réveil, en état de se présenter décemment1.


1. On a dit que Goethe avait eu l’intention de compléter les Années de Voyage par un troisième récit- dans lequel on aurait vu s’accomplir les destinées de Wilhelm Meister et de ses amis : mais les critiques estiment que, par cette brusque conclusion, il a voulu donner carrière à l’imagination du lecteur, et ils lui ont fait un mérite d’avoir ainsi conservé i son œuvre ]e caractère poétique.