Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lyse, que Wilhelm confessa le vif désir qu’il avait depuis longtemps de se vouer à une profession particulière, à un art véritablement utile, à supposer que Montan voulût s’employer auprès des associés, pour faire cesser bientôt la plus fatigante de toutes les conditions de la vie, savoir, de ne pas résider plus de trois jours en un même lieu ; en sorte qu’il lui fût permis, pour atteindre son but ici ou là, de séjourner dans le lieu qu’il lui plairait. Montan promit d’intervenir, après que Wilhelm eut fait le vœu solennel de suivre sans relâche le projet dont il lui faisait confidence, et de persister constamment dans la résolution qu’il aurait prise.

Tout en poursuivant ce grave entretien, et en soutenant la discussion sans se lasser, ils avaient quitté leur station nocturne, où une société étrange et suspecte s’était peu à peu rassemblée, et, au point du jour, ils étaient arrivés dans une clairière, où ils rencontrèrent quelques pièces de gibier, spectacle fort agréable, surtout pour le joyeux Félix. Il fallut songer à se séparer ; car, à cette place, les sentiers prenaient des directions différentes. Les voyageurs consultèrent Fitz à ce sujet ; mais il paraissait distrait, et, contre son habitude, ses réponses étaient embarrassées.

« Tu es un vaurien, lui dit Jarno ; tu connais tous les hommes qui nous entouraient cette nuit. C’étaient des bûcherons et des mineurs, à la bonne heure ; mais, les derniers qui sont venus, je les tiens pour des contrebandiers, pour des braconniers ; et ce grand, qui est arrivé après tous les autres, qui ne cessait de tracer des caractères dans le sable, et que les autres traitaient avec quelque respect, était assurément un chercheur de trésors, que tu sers en cachette.

— Ce sont tous de bonnes gens, répondit le petit garçon ; ils ont de la peine à gagner leur pain, et, s’ils font quelquefois ce que les autres défendent, ce sont de pauvres diables, qui peuvent bien se permettre quelque chose pour vivre. »

À vrai dire, le petit fripon, voyant que les amis se disposaient à se séparer, était devenu rêveur ; il faisait à part soi ses réflexions : car il hésitait à savoir lequel des deux il suivrait. Il calculait son avantage : le père et le fils n’étaient point chiches de leur argent, mais Jarno ne l’était point du tout de son