Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/47

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or : il crut mieux faire de ne pas se séparer de lui. Il saisit donc l’occasion qui se présenta, quand Jarno lui dit, au moment de partir :

« Maintenant, quand j’irai à Saint-Joseph, je verrai si tu es un honnête garçon : je chercherai l’autel brisé et les pierres de la croix.

— Vous ne trouverez rien, dit Fitz, et je n’en serai pas moins honnête : la pierre vient de là, mais j’ai enlevé tous les morceaux, et je les garde dans ces montagnes. C’est une pierre de prix, sans laquelle on ne peut découvrir aucun trésor : on me paye fort cher un petit morceau. Vous aviez raison : c’est ainsi que j’ai fait connaissance avec l’homme maigre. »

Cet aveu amena de nouveaux arrangements : Fitz promit à Jarno, pour un second ducat, de lui trouver, assez près de là, un beau morceau de ce rare minéral. Ensuite il détourna Wilhelm de visiter le Château des géants ; mais, comme Félix insistait pour le voir, Fitz recommanda au guide de pas laisser les voyageurs y pénétrer trop avant, car personne ne pouvait jamais sortir de ces grottes et de ces crevasses. On se sépara, et Fitz promit de se trouver de bonne heure sous les portiques du Château des géants.

Le guide marchait en avant ; le père et le fils le suivaient : mais, aussitôt que le guide eut fait quelques pas sur la pente de la montagne, Félix fit observer qu’on ne suivait pas la route que Fitz avait indiquée. Le guide répondit :

« Je sais mieux le chemin que lui. Une tempête a renversé dernièrement une étendue de forêt non loin d’ici : les arbres, abattus et croisés les uns par-dessus les autres, obstruent ce chemin. Suivez-moi : je vous mènerai au but sans accident. »

Félix abrégea pour lui cet ennuyeux sentier, en marchant et bondissant de rochers en rochers. Il se félicitait de la science qu’il avait acquise, disant qu’il sautait maintenant du granit sur le granit. Il montait de la sorte et enfin il s’arrêta sur de noires colonnes renversées pêle-mêle ; tout à coup il vit le Château des géants devant ses yeux. Des colonnades s’élevaient sur une cime isolée ; des rangées de colonnes formaient des portes, des galeries, à la suite les unes des autres. Le guide avertit sérieusement Félix de ne pas s’égarer dans l’intérieur, et, remar-