Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/463

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voir repassé dans mon esprit toutes les circonstances, et pesé plus attentivement mes combinaisons. »

Comme on le pressait plus vivement, il éluda une réponse, en offrant de raconter à son tour une histoire, moins intéressante, il est vrai, et cependant de nature à ne pouvoir non plus jamais être expliquée avec une parfaite certitude.

« Chez un brave gentilhomme de mes amis, qui habitait un vieux château avec sa nombreuse famille, on élevait une orpheline, qui, parvenue à l’âge de quatorze ans, fut principalement attachée au service de la châtelaine. On était fort content d’elle ; elle semblait ne désirer autre chose que de témoigner, par son attention et sa fidélité, sa reconnaissance à ses bienfaiteurs. Elle était jolie, et quelques épouseurs se présentèrent. On ne jugea pas qu’aucun d’eux pût faire son bonheur ; elle-même ne témoigna pas le moindre désir de se marier.

« Tout à coup il arriva que, si la jeune fille allait et venait dans la maison pour faire son service, on entendit çà et là heurter sous elle. D’abord cela parut accidentel ; mais, comme le bruit ne cessait point, et marquait, peu s’en faut, chacun de ses pas, elle en fut effrayée, et n’osait presque plus quitter la chambre de la châtelaine, la seule où elle trouvât du repos.

« Ces coups, toute personne qui marchait avec elle, ou qui se trouvait à peu de distance, les entendait. D’abord on en rit, puis on finit par trouver la chose désagréable. Le maître du château, qui était d’un esprit vif, observa lui-même les circonstances. On n’entendait pas heurter avant que la jeune fille marchât, et moins quand elle posait le pied qu’au moment où elle le levait pour continuer sa marche. Cependant les coups étaient quelquefois irréguliers, et ils étaient surtout très-forts quand elle traversait une grande salle.

« Un jour que le seigneur châtelain avait des ouvriers dans le voisinage, le bruit ayant redoublé, il fit enlever quelques plan-ches derrière l’orpheline : il ne se trouva rien qu’une couple de gros rats, qui parurent au jour à cette occasion, et dont la chasse causa beaucoup de vacarme dans la maison.

  • Irrité de cette aventure et de ce désordre, le maître eut recours à un moyen rigoureux : il prit son plus grand fouet de chasse à la muraille, et jura de fouetter lti jeune fille jusqu’à la