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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/484

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vous me faites connaître une félicité dont je n’eus jusqu’à ce jour aucune idée. Soyez assurée, s’écria-t-il en lui baisant la main, que vous n’auriez pu trouver un ami plus dévoué, plus tendre, plus fidèle et plus discret. »

Que la belle femme se sentit rassurée après cette déclaration ! Elle ne craignit pas de laisser voir au jeune jurisconsulte sa tendresse de la manière la plus vive ; elle lui serra les mains, se pressa contre lui, appuya la tête sur son épaule. Ils n’étaient pas restés longtemps dans cette position, quand le jeune homme chercha doucement à s’écarter de la belle, et se mit à lui dire non sans douleur :

« Un homme peut-il bien se trouver dans une situation plus singulière ? Je suis forcé de m’éloigner de vous et de me faire la plus cruelle violence, dans un moment où je devrais m’abandonner aux sentiments les plus doux. Il m’est défendu de goûter maintenant le bonheur qui m’attend dans vos bras. Ah ! puisse du moins ce délai ne pas me frustrer de mes plus belles espérances ! »

La belle demanda avec anxiété la cause de cette singulière confidence.

’ c Comme j’achevais mes études à Bologne, poursuivit-il, et faisais les derniers efforts pour me préparer à ma profession future, je tombai dans une grave maladie, qui, sans être mortelle, menaça de détruire les forces de mon corps et de mon esprit. Dans cette extrémité, et au milieu des plus violentes douleurs, je promis à la Mère de Dieu que, si elle m’accordait la guérison, je passerais toute une année dans un jeûne austère, et m’abstiendrais de toute jouissance quelconque. Voilà dix mois que j’ai observé mon vœu avec la plus grande fidélité, et, en considération du grand bienfait que j’ai reçu, le temps ne m’a point semblé long, car je n’ai point trouvé pénible de renoncer à bien des jouissances ordinaires et connues ; mais quelle éternité deviennent pour moi les deux mois qui restent, puisqu’il ne m’est permis de goûter qu’après ce terme écoulé, un bonheur qui surpasse toute idée ! Que ce temps ne vous semble pas trop long, et ne me retirez pas votre faveur, que vous m’avez de si bon gré réservée. » La belle, qui n’était guère satisfaite de cette déclaration, fut