Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/485

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cependant un peu réconfortée, quand son ami poursuivit en ces termes :

« J’ose à peine vous faire une proposition, et vous indiquer le moyen par lequel je puis être plus tôt délié de mon vœu. Si je trouvais une personne qui entreprit de l’observer aussi sévèrement et aussi constamment que moi, et qui voulût partager avec moi le temps qui reste encore, je serais libre d’autant plus vite, et rien ne s’opposerait à nos désirs. Ma douce amie, pour avancer notre bonheur, ne seriez-vous point disposée à écarter une partie de l’obstacle qui nous arrête ? Ce n’est qu’une personne de toute confiance que je puis charger d’une part de mon vœu. Il est sévère : réduit au pain et à l’eau, je ne dois faire par jour que deux repas ; je dois abréger mon sommeil et dormir sur une couche dure, et, malgré mes occupations multipliées, réciter un grand nombre de prières. Si je ne peux, comme cela m’est arrivé aujourd’hui, éviter de paraître à un festin, je ne dois pas néanmoins négliger mon devoir ; il faut, au contraire, que je m’efforce de résister aux séductions de tous les bons morceaux qui passent devant moi. Si vous pouvez vous résoudre à observer, un mois durant, toutes ces conditions, vous jouirez d’autant plus de posséder un ami que vous l’aurez, en quelque sorte, conquis vous-même par cette louable entreprise. »

La belle dame apprit avec chagrin les obstacles qui s’opposaient à son amour ; mais sa passion pour le jeune homme s’était si fort augmentée par sa présence, que nulle épreuve ne lui sembla trop rigoureuse pour s’assurer la possession d’un bien si précieux. Aussi lui dit-elle de la façon la plus obligeante :

« Mon doux ami, le miracle par lequel vous avez recouvré la santé est pour moi-même si précieux et si respectable, que je me fais un plaisir et un devoir de m’associer au vœu que vous avez promis de remplir par reconnaissance. Je suis heureuse de vous donner une preuve si certaine de mon amour ; je me réglerai ponctuellement sur votre prescription, et, tant que vous ne m’en aurez pas dispensée, rien ne m’écartera de la voie dans laquelle vous me faites entrer. »

Quand le jeune homme eut parfaitement réglé avec la belle les conditions auxquelles elle pouvait lui épargner la moitié de de sa pénitence, il s’éloigna, en assurant qu’il reviendrait bien-