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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/487

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server un peu la chaleur naturelle, presque entièrement dissipée. Elle n’était plus en état de rester levée, et, dans les derniers jours, elle fut même forcée de garder le lit.

Quelles réflexions ne dut-elle pas faire sur son état ! Que de fois cette singulière aventure occupa son âme, et quelle fut sa douleur, quand elle vit dix jours s’écouler sans aucune visite de l’ami qui lui coûtait ces pénibles sacrifices ! Mais dans ces tristes heures se préparait, au contraire, son entière guérison, sa guérison décisive. En effet, son ami ayant paru bientôt après, et s’étant assis à son chevet, sur le même tabouret où il avait entendu son premier aveu, comme il l’exhortait avec douceur, même avec tendresse, à persévérer fermement pendant le peu de temps qui restait, elle l’interrompit et lui dit avec un sourire :

« Il n’est plus nécessaire de m’exhorter, mon digne ami, et j’accomplirai mon vœu, pendant ce peu de jours, avec patience ; et avec la persuasion que vous me l’avez imposé pour mon plus grand bien. Je suis trop faible aujourd’hui pour vous exprimer ma reconnaissance "comme je l’éprouve ; vous m’avez préservée, vous m’avez rendue à moi-même, et je reconnais que je vous suis dès à présent redevable de tout mon être. En vérité, mon mari était habile et sage, et il connaissait le cœur des femmes : il fut assez juste pour ne pas se fâcher d’une inclination qui pouvait naître dans mon cœur par sa faute ; il fut même assez généreux pour subordonner ses droits au vteu de la nature ; vous aussi, monsieur, vous êtes sage et bon ; vous m’avez fait sentir qu’il est en nous, à côté de la passion, quelque chose qui peut lui faire équilibre ; que nous sommes capables de renoncer à tous les biens accoutumés et d’imposer silence à lios plus ardents désirs. Vous m’avez introduite dans cette école par l’erreur et l’espérance ; mais elles ne sont plus nécessaires, une fois que nous avons appris à connaître ce moi puissant et bon, qui habite en nous, secret et paisible, et, jusqu’au moment où il se rend maître du logis, nous fait du moins sentir continuellement sa présence par de tendres avertissements. Adieu ! votre amie vous reverra désormais avec plaisir. Agissez sur vos concitoyens comme sur moi ; qu’il ne vous suffise pas de débrouiller les difficultés qui ne s’élèvent entre eux que trop aisément, au sujet des biens de fortune ; montrez-leur aussi, par une di-