Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

attendre une seconde. Je pourrais passer des heures à vous rapporter ses discours et ses réflexions sur cette éducation singulière. Il badinait avec moi, prêtre catholique, au sujet de mes vœux ; il soutenait que chaque homme devait faire envers luimême le vœu d’abstinence, et celui d’obéissance envers les autres, pour l’exercer, non pas toujours, mais à propos.

La baronne présenta quelques observations, et convint qu’à tout prendre, cet ami avait eu peut-être raison. C’était ainsi que, dans un État, tout tenait au pouvoir exécutif : si sage que pût être l’autorité législative, elle n’était d’aucun secours pour l’État, si le pouvoir exécutif n’était pas fort.

Louise courut à la fenêtre, car elle entendait Frédéric arriver à cheval. Elle alla au-devant de lui, et le ramena dans la salle. Il paraissait de joyeuse humeur, quoiqu’il vînt d’assister à des scènes de désolation et de ruine. Au lieu de s’engager dans une description circonstanciée de l’incendie qui avait dévoré la maison de sa tante, il assura, comme une chose constatée, que le secrétaire de là-bas avait été la proie des flammes à la même heure où celui de la baronne s’était fendu violemment.

« Au moment où l’incendie approchait de-la chambre, dit Frédéric, l’intendant sauva une pendule placée sur le secrétaire. En la transportant, quelque chose avait pu s’y déranger et elle était restée sur onze heures et demie. Nous avons donc, du moins pour ce qui concerne le temps, une parfaite concordance. »

La baronne sourit ; le gouverneur soutint que, si deux événements se rencontraient, on ne pouvait pas encore en conclure leur liaison. De son côté, Louise se plaisait à enchaîner ces deux incidents, d’autant plus qu’elle avait reçu de bonnes nouvelles de son fiancé, et on laissa de nouveau le champ* libre à l’imagination.

« Ne sauriez-vous, dit Charles au vieillard, nous faire un conte ? L’imagination est une belle faculté, mais je n’aime pas qu’elle se mêle de remanier ce qui est réellement arrivé. Les figures aériennes qu’elle produit nous charment comme des créatures d’une espèce particulière ; unie à la vérité, elle n’enfante le plus souvent que des monstres, et me paraît alors en