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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/508

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pour lui, de nourrir une espérance lointaine, et de se lier par une promesse pour un avenir incertain.

Il espérait encore une réponse favorable : elle ne fut pas de nature à satisfaire son cœur, mais bien sa raison. Ottilie lui rendait très-gracieusement sa parole, sans renoncer tout à fait à son cœur ; elle parlait aussi de ses propres sentiments ; d’après le sens, elle était liée : elle était libre, à s’en tenir aux expressions.

Est-il besoin que j’en dise davantage ? Ferdinand se hâta de retourner dans ses paisibles solitudes. Ses arrangements furent bientôt pris : il avait de l’ordre et de l’application, et il en eut bien plus encore, quand la simple et bonne jeune fille que nous connaissons le rendit heureux époux, et que le vieil oncle fit tout son possible pour consolider sa position domestique et la rendre agréable.

Je l’ai connu dans son âge avancé, entouré d’une belle et nombreuse famille. Il me raconta son histoire lui-même. Comme il arrive aux hommes qui ont eu dans leur jeunesse quelque remarquable aventure, cette histoire s’était gravée si profondément dans son esprit, qu’elle avait eu sur sa vie une grande influence. Homme et père de famille, il se refusait parfois encore une chose qui lui aurait fait plaisir, uniquement pour ne pas perdre l’habitude d’une si belle vertu, et toute l’éducation qu’il donnait à ses enfants consistait, en quelque sorte, à les rendre capables de se refuser quelque chose à l’improviste.

A table, par exemple, il interdisait à un petit garçon, d’une manière que je ne pouvais d’abord approuver, tel ou tel mets favori. A ma grande surprise, l’enfant n’en perdait point sa bonne humeur, et c’était comme s’il ne fût rien arrivé. Quelquefois, de leur propre mouvement, les aînés laissaient passer devant eux un beau fruit ou quelque friandise. En revanche, il leur permettait tout, je puis dire, et les bonnes et les mauvaises manières étaient assez communes dans sa maison. Il semblait être indifférent à tout, et laissait à ses enfants une liberté presque illimitée ; seulement, il lui prenait fantaisie une fois 1s semaine que tout se fît à la minute : alors les montres étaient réglées dès le matin ; chacun recevait ses ordres pour k journée, affaires et plaisirs se suivaient de près, et nul ne devait se faire